L'éducation
est un grand dossier qui attend de sérieuses et profondes réformes, remises
toujours à plus tard, aux prochaines élections, ou au prochain gouvernement. Personne
n'en prend la responsabilité immédiate pour cause de complexité, tandis que
cette réforme devient de plus en plus nécessaire, voire indispensable. Le
niveau intellectuel s'étiole, si l'on croit les parents inquiets, et les
professeurs désemparés. On impute aux jeunes tous les maux de l'école.
On
dit que les jeunes ne savent plus écrire, qu'ils ne savent plus réfléchir,
qu'ils ne savent plus comment obtenir de bonnes notes pour accéder à de bonnes
universités, et pourtant ce n'est pas toujours de leur faute.
C'est le sujet évoqué ce mercredi
(9.07.2014), lors d'une conférence organisée par le Parti Al Joumhouri, sous le
titre "L'Education en Tunisie, entre réalité et perspectives".
Le Docteur Mohamed Kochkar,
expert en sciences de l'éducation a exposé les différentes facettes de
l'éducation nationale, et surtout les facteurs qui gangrènent le système. Il
aborde en premier, la question du manque de volonté d'apprendre de la part des
élèves, qui selon lui représente la première problématique de l'Education
nationale.
« Quand l'élève rejoint l'école il a déjà une certaine
conception des choses, or, l'enseignant se comporte avec l'élève comme s`il était un vase vide qu'il suffirait de
remplir... Par exemple quand on enseigne la théorie de l'évolution au lycée, on
est face à un élève qui a une conception préalable du sujet, qui est de nature
religieuse. L'enseignant est supposé interroger l'élève sur ce qu'il sait déjà,
et essayer de secouer ses convictions pour le préparer à recevoir de nouvelles
idées... Il ne faut pas dénigrer l'élève, car quand l'enseignant le dénigre, il
dénigre à son tour l'enseignant », a-t-il dit.
Les obstacles auxquels sont
confrontés les enfants lors de l'apprentissage, sont d'ordre épistémologique,
psychologique et didactique, selon Kochkar. « Par exemple, quand on dit
à l'élève que la plante se nourrit de l'air, il est difficile pour lui de
comprendre, car dans sa tête la plante se nourrit de la terre. Il faut pour
cela, revenir vers ses idées reçues et les secouer pour les déstabiliser pour
ensuite lui donner de nouvelles connaissances et lui faire atteindre un nouvel
équilibre », a-t-il expliqué.
Mohamed Kochkar a mis le
doigt sur une autre défaillance qui n'est autre que le manque de stratégie
pédagogique chez les enseignants, et ce pour absence de formations spécifiques.
L'expert
considère par ailleurs, qu'il n'existerait « aucune solution prête à
l'emploi...et aucune personne habilitée à proposer un modèle de substitution à
celui qui existe actuellement... Qui sommes-nous pour donner des solutions qui
devraient venir de l'intérieur du système lui-même ? ? », a-t-il
dit.
D'ailleurs, il accuse le système de
se faire bercer par des illusions: « Certains estiment qu'il faut revenir
au système éducatif d'antan, car il serait meilleur...mais ce ne sont que des
impressions erronées. On dit aussi que dans le futur, le professeur sera
remplacé par un ordinateur, ce qui ne se
produirait pas. Une troisième illusion veut que l'on croie qu'il suffit
qu'un enseignant donne une leçon pour que l'élève comprenne. Ce ne sont que des
illusions tout cela », a-t-il lâché.
Le plus répandu dans le système
éducatif tunisien est d'inculquer les connaissances à travers un système de
sanction et récompense, tandis que Mohamed Kochkar formule l'espoir de
voir se développer en Tunisie l'école du constructivisme, où l'enfant construit
par lui-même ses connaissances. « Nous avons une méthode qui s'en
rapproche qui s'appelle le socio-constructivisme. L'enfant n'apprend pas seul,
mais apprend en groupe et en présence d'un professeur », a-t-il
expliqué.
Il existe un autre modèle
d'enseignement, où l'on crée chez l'enfant un équilibre et un déséquilibre lors
du processus d'apprentissage.
Mais il existe aussi la pédagogie de
projet « qui malheureusement n'a pas pris en Tunisie... C'est quand le
professeur divise la classe en groupes, et chaque groupe est tenu de préparer
un projet qu'il exposera à la fin de l'année. Le professeur n'enseigne pas,
mais il est là pour répondre aux interrogations des élèves lorsqu'ils se butent
à des difficultés...Vous savez le problème c'est que l'enseignant pose toujours
des questions et s'attend à des réponses. Mais ce n'est pas la meilleure
solution pour apprendre, il faut demander aux élèves s'ils ont des
questions...je peux vous assurer que j'ai assisté à une séance d'exposés de ce
genre en France, on dirait des exposés d'Etudiants en DEA », a dit
Kochkar.
Un enseignant modèle est,
selon lui, celui qui intervient le moins en cours, contrairement aux idées
reçues. Par ailleurs, le droit à l'erreur pour l'enfant est normal et est même
indispensable pour apprendre. Mais si les élèves peinent malgré tout à avoir un
niveau d'éducation qui réponde au mieux aux standards internationaux, c'est
souvent la faute au système éducatif, d'après Kochkar.
L'expert évoque l'exemple des
enseignants, qui sont l'expression même d'un système boiteux. Des enseignants
qui, par souci de facilité, s'obstinent à inculquer du contenu biaisé aux élèves.
« Prenons l'exemple du système respiratoire. Nous savons
que l'être humain inhale et expire de l'air par réaction à la contraction
et décontraction des muscles thoraciques. Il y a des enseignants qui apprennent
à l'élève que si le poumon se gonfle c'est parce que c'est l'air qui y entre. Une fois même un enseignant m'avait
dit qu'il enseignait de la sorte depuis des décennies et qu'il n'était pas prêt
à changer sa version », a relaté Kochkar.
Quand l'éducation va mal, tout va
mal. Et la société exige que moins on est diplômé moins on dispose de chances
de réussite pour l'avenir. C'est pourquoi certains élèves recourent à la fraude
lors des examens.
Cette année (2014) encore, plusieurs
élèves ont été sanctionnés pour avoir fraudé lors des épreuves du baccalauréat.
« Nous
oublions toutes les procédures scientifiques pour remédier à ce problème, et
nous nous en prenons à l'élève qui est le maillon le plus faible du
système », déplore Kochkar. Selon lui, l'enseignant,
le concepteur du programme scolaire, le directeur de l'établissement, et le
ministre de l'Education nationale sont les premiers responsables de la fraude, «
Ce sont eux qui devraient être sanctionnés et traduits devant le conseil de
discipline », a-t-il dit.
Quelles
sont les théories d`apprentissage appropriées qui pourraient améliorer notre
système éducatif tunisien ?
Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs
ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar,
2014, pp. 18-22 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie
électronique, il suffit d’envoyer son mail).
Intéressant et enrichissant. Merci pour cette contribution.
RépondreSupprimermamadou6951@gmail.com