3.
Le néoconstructivisme
3.1.
Le conflit socio-cognitif (CSC)
Elèves de Piaget, Perret-Clermont (1980)
ainsi que Doise et Mugny (1981) tentent, sans renier les principes de base du
constructivisme, de dépasser le réductionnisme individualiste du modèle
piagétien en proposant le concept du CSC comme moteur de développement et
d’apprentissage. Pour eux, le concept piagétien de conflit cognitif interne à
un sujet (les schèmes existants chez celui-ci rentrent en conflit avec le
milieu ; des schèmes alternatifs rentrent en compétition) est insuffisant, car
tout apprentissage est social. La théorie du CSC repose sur l’idée que l’effet structurant
du conflit cognitif s’accroît s’il s’accompagne d’un conflit social : des
apprenants mis en présence et confrontés à une même tâche seront amenés à
développer des actions et des verbalisations qui vont entrer en conflit car
reposant sur des schèmes cognitifs quelque peu différents ; cette confrontation
offre aux sujets en présence plus de chances de mettre en place des processus
d’accommodation des structures de connaissances initiales et d’améliorer les
processus d’équilibration (Xavier & De Ketele, 1999). La théorie de Piaget
n’est donc pas remise en cause dans sa nature, mais dans les mécanismes de sa
genèse. Le constructivisme de Piaget suppose lui aussi des conflits, donc des
déséquilibres, puis des équilibrations. Mais ceci est du domaine de l’action du
sujet (effective, ou intériorisée) et ne suppose pas essentiellement la
présence et la confrontation avec un « alter ».
Pour que le CSC soit pertinent, il faudrait qu’il remplisse trois conditions:
- la
présence explicite de plusieurs points de vue.
-
une situation où le CSC est clair et non fuyant.
- ne
pas confondre un effectif CSC avec une situation où l’acquiescement d’un des
protagonistes peut être de simple complaisance ou de soumission. Le CSC
confirme le rôle décisif et positif de la coopération d’égal à égal entre pairs
et infirme les rapports d’autorité.
Exemple
d’un CSC en classe de biologie
Un apprenant postule que le cerveau de
l’homme est plus grand que celui de la femme. Un autre réplique que la taille
du cerveau est proportionnelle au poids du corps. Les deux vont confronter
leurs points de vue. Chacun va présenter ses arguments, ce qui crée un conflit
entre les deux en plus de l’interaction. Chacun des deux élèves ou même un
troisième va prendre conscience des réponses autres que les siennes. La
différence entre les deux points de vue devient explicite. Ce conflit pourrait
conduire les élèves à un changement conceptuel car ils vont écouter les deux
thèses et ne retenir que celle qui est plus convaincante. Donc c’est le conflit
qui est à la base d’un changement conceptuel, et non la simple interaction
entre deux élèves, qui peut se produire sans conflit.
3.2.
Le débat socio-cognitif (DSC)
Le DSC est une approche critique du conflit
socio-cognitif (CSC). L’argumentation en faveur du CSC est de nature
psychologique. Par contre l’argumentation en faveur du DSC est de nature
épistémologique.
Le débat socio-cognitif constitue une alternative
heureuse aux conflits socio-cognitifs (Doise et Mugny, 1981), qui sont bien
souvent en pratique plus «sociaux» que cognitifs et qui, en permettant
l’affaiblissement mutuel des élèves, perpétuent la violence (Favre, 1996). Le
DSC permet aux élèves d’apprendre dans la solidarité et non dans la rivalité,
dans la curiosité et non dans la passivité, dans la joie et non dans l’ennui
(Develay, 1994).
Stavy (1980) se demande si des stratégies de
conflit ne risquent pas de faire perdre aux élèves leur confiance en eux et
même régresser d’une conception correcte à une « misconception ».
Dans son approche analogique de l’enseignement, elle affirme que si les élèves
n’ont pas pris conscience de l’existence du conflit et du processus
d’apprentissage, l’apprentissage a eu lieu sans que les élèves en soient
conscients. Du point de vue de l’élève, il n’y a aucune
« misconception » et aucun apprentissage n’a lieu. Les élèves
brillants réagissent au conflit avec enthousiasme et apprécient "l’effet
de surprise" de la méthode et de la confrontation avec des problèmes
nouveaux. Par contre, des élèves en difficulté semblent développer des images
dévalorisantes d’eux-mêmes, une attitude négative par rapport à l’école et aux
travaux qu’on leur propose et une forte dose d’anxiété. Par conséquent, ils
essayent d’éviter le conflit et sont plus systématiquement enclins à reculer
face au problème auquel ils étaient confrontés qui ne représente pour eux qu’un
nouvel échec. Stavy explique que l’enseignement par le conflit peut entraîner
une perte de confiance chez les élèves en difficulté et même une régression.
C’est pourquoi dans nos recherches, on a adopté le DSC à la place du CSC
sachant qu’«une réforme du système éducatif n’est un enjeu majeur que si
elle profite, en priorité, aux élèves qui ne réussissent pas à l’école » (Perrenoud,
1997).
Source: Le système éducatif
au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que leurs
élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 27-30 (Pour ceux
ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il suffit
d’envoyer son mail).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire