mercredi 19 mai 2021

Le néoconstructivisme ? Citoyen du Monde

 

 

3. Le néoconstructivisme

3.1. Le conflit socio-cognitif (CSC)

Elèves de Piaget, Perret-Clermont (1980) ainsi que Doise et Mugny (1981) tentent, sans renier les principes de base du constructivisme, de dépasser le réductionnisme individualiste du modèle piagétien en proposant le concept du CSC comme moteur de développement et d’apprentissage. Pour eux, le concept piagétien de conflit cognitif interne à un sujet (les schèmes existants chez celui-ci rentrent en conflit avec le milieu ; des schèmes alternatifs rentrent en compétition) est insuffisant, car tout apprentissage est social. La théorie du CSC repose sur l’idée que l’effet structurant du conflit cognitif s’accroît s’il s’accompagne d’un conflit social : des apprenants mis en présence et confrontés à une même tâche seront amenés à développer des actions et des verbalisations qui vont entrer en conflit car reposant sur des schèmes cognitifs quelque peu différents ; cette confrontation offre aux sujets en présence plus de chances de mettre en place des processus d’accommodation des structures de connaissances initiales et d’améliorer les processus d’équilibration (Xavier & De Ketele, 1999). La théorie de Piaget n’est donc pas remise en cause dans sa nature, mais dans les mécanismes de sa genèse. Le constructivisme de Piaget suppose lui aussi des conflits, donc des déséquilibres, puis des équilibrations. Mais ceci est du domaine de l’action du sujet (effective, ou intériorisée) et ne suppose pas essentiellement la présence et la confrontation avec un « alter ».

Pour que le CSC soit pertinent, il  faudrait qu’il remplisse trois conditions:

- la présence explicite de plusieurs points de vue.

- une situation où le CSC est clair et non fuyant.

- ne pas confondre un effectif CSC avec une situation où l’acquiescement d’un des protagonistes peut être de simple complaisance ou de soumission. Le CSC confirme le rôle décisif et positif de la coopération d’égal à égal entre pairs et infirme les rapports d’autorité. 

Exemple d’un CSC en classe de biologie

Un apprenant postule que le cerveau de l’homme est plus grand que celui de la femme. Un autre réplique que la taille du cerveau est proportionnelle au poids du corps. Les deux vont confronter leurs points de vue. Chacun va présenter ses arguments, ce qui crée un conflit entre les deux en plus de l’interaction. Chacun des deux élèves ou même un troisième va prendre conscience des réponses autres que les siennes. La différence entre les deux points de vue devient explicite. Ce conflit pourrait conduire les élèves à un changement conceptuel car ils vont écouter les deux thèses et ne retenir que celle qui est plus convaincante. Donc c’est le conflit qui est à la base d’un changement conceptuel, et non la simple interaction entre deux élèves, qui peut se produire sans conflit.

 

3.2. Le débat socio-cognitif (DSC)

Le DSC est une approche critique du conflit socio-cognitif (CSC). L’argumentation en faveur du CSC est de nature psychologique. Par contre l’argumentation en faveur du DSC est de nature épistémologique.
Le débat socio-cognitif constitue une alternative heureuse aux conflits socio-cognitifs (Doise et Mugny, 1981), qui sont bien souvent en pratique plus «sociaux» que cognitifs et qui, en permettant l’affaiblissement mutuel des élèves, perpétuent la violence (Favre, 1996). Le DSC permet aux élèves d’apprendre dans la solidarité et non dans la rivalité, dans la curiosité et non dans la passivité, dans la joie et non dans l’ennui (Develay, 1994).

            Stavy (1980) se demande si des stratégies de conflit ne risquent pas de faire perdre aux élèves leur confiance en eux et même régresser d’une conception correcte à une « misconception ». Dans son approche analogique de l’enseignement, elle affirme que si les élèves n’ont pas pris conscience de l’existence du conflit et du processus d’apprentissage, l’apprentissage a eu lieu sans que les élèves en soient conscients. Du point de vue de l’élève, il n’y a aucune  « misconception » et aucun apprentissage n’a lieu. Les élèves brillants réagissent au conflit avec enthousiasme et apprécient "l’effet de surprise" de la méthode et de la confrontation avec des problèmes nouveaux. Par contre, des élèves en difficulté semblent développer des images dévalorisantes d’eux-mêmes, une attitude négative par rapport à l’école et aux travaux qu’on leur propose et une forte dose d’anxiété. Par conséquent, ils essayent d’éviter le conflit et sont plus systématiquement enclins à reculer face au problème auquel ils étaient confrontés qui ne représente pour eux qu’un nouvel échec. Stavy explique que l’enseignement par le conflit peut entraîner une perte de confiance chez les élèves en difficulté et même une régression. C’est pourquoi dans nos recherches, on a adopté le DSC à la place du CSC sachant qu’«une réforme du système éducatif n’est un enjeu majeur que si elle profite, en priorité, aux élèves qui ne réussissent pas à l’école » (Perrenoud, 1997). 


Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 27-30 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il suffit d’envoyer son mail).

 

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