« Le peuple
qui a les meilleures écoles est le premier peuple. S'il ne l'est pas
aujourd'hui, il le sera demain. », Jules Simon (L`École,
1877)
Apprendre des connaissances ou des
valeurs ? Cette question ancienne datant de l’antiquité a été débattue par
Socrate et Protagoras (Atlan et Bousquet, 1994, p 12-13). Elle n’a pas encore
trouvé de réponse puisque nous la posons encore dans notre présent ouvrage en
2014. Nous la posons parce qu’elle est au cœur de notre approche schématisée
par les trois pôles du triangle KVP (K= connaissances, V = valeurs et P =
pratiques sociales).
Nous allons analyser cette question en
commençant par l’enseignant. Il entre en classe avec des connaissances à
partager avec les apprenants mais il ne peut pas les dissocier de ses propres
valeurs car les deux sont en interaction permanente comme le dit Atlan : «
Les propos des scientifiques eux-mêmes sont dictés au moins autant par leurs
valeurs subjectives que par leur savoir objectif » (Atlan & Bousquet,
1994, p 82).
Les valeurs et les connaissances sont interdépendantes
Dans son dialogue avec Bousquet, Atlan
fait référence aux philosophes de l’antiquité. Atlan : « Protagoras, dans le
débat qui l’oppose à Socrate sur le thème : comment enseigner la vertu ? Pour
Socrate, il suffit d’enseigner les sciences : la connaissance de la vérité
débouche automatiquement sur celle du bien. Pour Protagoras, il faut enseigner
la poésie épique : le bien n’est pas un théorème géométrique ou une loi
physique, c’est l’identification à un héros. On s’est moqué de Protagoras, mais
aujourd’hui que se passe-t-il ? La télévision enseigne l’éthique en diffusant
des images, qui déclenchent l’indignation ou l’admiration. Donc Protagoras a
raison sur toute la ligne ».
Bousquet : « Vous le regrettez ? »
Atlan : « Oui et non. Je ne le regrette pas, si le
regret impliquait de tenter encore une fois de réhabiliter la position que
défend Socrate dans ce dialogue, car cette position est illusoire. Mais oui, je
regrette que l’enseignement de masse de l’éthique par les médias se limite à
une morale de l’indignation. » (Atlan & Bousquet, 1994, p. 12-13).
Dans cet ouvrage, les conceptions sont
présentées en tant qu’interaction entre les trois pôles (KVP : K (connaissances),
V (valeurs) et P (pratiques sociales des enseignants et des apprenants) d’après
le modèle proposé par Clément (1998, 2004).
K : Knowledge,
connaissances scientifiques de l’enseignant ou de l’apprenant provenant de son
cursus scolaire et ses autres apprentissages, à partir des manuels scolaires,
des revues spécialisées, ou de toute autre source. Mais les connaissances de
chacun sont à la fois assez proches, dans leur contenu, de ces connaissances
spécialisées, tout en s’en différenciant fortement (Clément, 2004).
V : Valeurs de l’enseignant ou de l’apprenant, ses
opinions, son idéologie et ses croyances.
P : Pratiques personnelles et/ou sociales de l’enseignant
(ses pratiques de citoyen hors de l’école et ses pratiques professionnelles
dans l’école dont ses pratiques pédagogiques dans la classe) ou de l’apprenant
(rapports avec les autres élèves, la classe, l’école, la famille et les
pratiques pédagogiques de l’enseignant).
Les conceptions des apprenants
interagissent avec celles des enseignants dans une situation didactique et font
émerger des nouvelles conceptions, espérons qu’elles seront des conceptions
scientifiques.
Clément P. (2004) explique cette
interaction : « d’une part, c’est l’usage de mes connaissances (pôle K) qui
me permet d’en assimiler, retenir, refaçonner tout ce qui est utile à mes
pratiques professionnelles, personnelles
et/ou sociales (pôle P). D’autre part, l’attention que chacun porte à des
connaissances, l’importance qu’il leur donne, dépend souvent de l’interaction entre
ces connaissances et ses propres systèmes de valeurs (pôle V). Le concept de
"conception" est l’un des concepts importants de la didactique, mais
comme le remarquent Giordan et Girault (1994) : « Des recherches spécifiques
sur l’utilisation des conceptions en situation d’apprentissage sont donc à
promouvoir. Elles apparaissent même comme une étape indispensable, faute de
quoi le concept de "conception" risque de rester "lettre
morte" ».
Les conceptions scientifiques et les
conceptions spontanées ne sont pas interchangeables : elles ne répondent pas
aux mêmes questions et ne poursuivent pas les mêmes finalités. Avec le temps,
les conceptions spontanées reprennent leur place dans la vie courante
puisqu’elles fonctionnent et sont efficaces et mobilisables facilement
(Larochelle et Desautels, 1992).
Certaines conceptions ne cèdent pas
facilement et peuvent former des obstacles aux apprentissages des connaissances
scientifiques, c’est ce que nous allons voir dans le paragraphe suivant.
Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs
ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar,
2014, pp. 34-37 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie
électronique, il suffit d’envoyer son mail).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire