dimanche 23 mai 2021

Apprendre des connaissances ou des valeurs ? Citoyen du Monde

 

 

 « Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple. S'il ne l'est pas aujourd'hui, il le sera demain. », Jules Simon (L`École, 1877)

 

Apprendre des connaissances ou des valeurs ? Cette question ancienne datant de l’antiquité a été débattue par Socrate et Protagoras (Atlan et Bousquet, 1994, p 12-13). Elle n’a pas encore trouvé de réponse puisque nous la posons encore dans notre présent ouvrage en 2014. Nous la posons parce qu’elle est au cœur de notre approche schématisée par les trois pôles du triangle KVP (K= connaissances, V = valeurs et P = pratiques sociales).

Nous allons analyser cette question en commençant par l’enseignant. Il entre en classe avec des connaissances à partager avec les apprenants mais il ne peut pas les dissocier de ses propres valeurs car les deux sont en interaction permanente comme le dit Atlan : « Les propos des scientifiques eux-mêmes sont dictés au moins autant par leurs valeurs subjectives que par leur savoir objectif » (Atlan & Bousquet, 1994, p 82).


Les valeurs et les connaissances sont interdépendantes

Dans son dialogue avec Bousquet, Atlan fait référence aux philosophes de l’antiquité. Atlan : « Protagoras, dans le débat qui l’oppose à Socrate sur le thème : comment enseigner la vertu ? Pour Socrate, il suffit d’enseigner les sciences : la connaissance de la vérité débouche automatiquement sur celle du bien. Pour Protagoras, il faut enseigner la poésie épique : le bien n’est pas un théorème géométrique ou une loi physique, c’est l’identification à un héros. On s’est moqué de Protagoras, mais aujourd’hui que se passe-t-il ? La télévision enseigne l’éthique en diffusant des images, qui déclenchent l’indignation ou l’admiration. Donc Protagoras a raison sur toute la ligne ».

Bousquet : « Vous le regrettez ? »

Atlan : « Oui et non. Je ne le regrette pas, si le regret impliquait de tenter encore une fois de réhabiliter la position que défend Socrate dans ce dialogue, car cette position est illusoire. Mais oui, je regrette que l’enseignement de masse de l’éthique par les médias se limite à une morale de l’indignation. » (Atlan & Bousquet, 1994, p. 12-13).

 

Dans cet ouvrage, les conceptions sont présentées en tant qu’interaction entre les trois pôles (KVP : K (connaissances), V (valeurs) et P (pratiques sociales des enseignants et des apprenants) d’après le modèle proposé par Clément (1998, 2004).

 K : Knowledge, connaissances scientifiques de l’enseignant ou de l’apprenant provenant de son cursus scolaire et ses autres apprentissages, à partir des manuels scolaires, des revues spécialisées, ou de toute autre source. Mais les connaissances de chacun sont à la fois assez proches, dans leur contenu, de ces connaissances spécialisées, tout en s’en différenciant fortement (Clément, 2004).

V : Valeurs de l’enseignant ou de l’apprenant, ses opinions, son idéologie et ses croyances.

P : Pratiques personnelles et/ou sociales de l’enseignant (ses pratiques de citoyen hors de l’école et ses pratiques professionnelles dans l’école dont ses pratiques pédagogiques dans la classe) ou de l’apprenant (rapports avec les autres élèves, la classe, l’école, la famille et les pratiques pédagogiques de l’enseignant).

 

Les conceptions des apprenants interagissent avec celles des enseignants dans une situation didactique et font émerger des nouvelles conceptions, espérons qu’elles seront des conceptions scientifiques.

Clément P. (2004) explique cette interaction : « d’une part, c’est l’usage de mes connaissances (pôle K) qui me permet d’en assimiler, retenir, refaçonner tout ce qui est utile à mes pratiques  professionnelles, personnelles et/ou sociales (pôle P). D’autre part, l’attention que chacun porte à des connaissances, l’importance qu’il leur donne, dépend souvent de l’interaction entre ces connaissances et ses propres systèmes de valeurs (pôle V). Le concept de "conception" est l’un des concepts importants de la didactique, mais comme le remarquent Giordan et Girault (1994) : « Des recherches spécifiques sur l’utilisation des conceptions en situation d’apprentissage sont donc à promouvoir. Elles apparaissent même comme une étape indispensable, faute de quoi le concept de "conception" risque de rester "lettre morte" ».

Les conceptions scientifiques et les conceptions spontanées ne sont pas interchangeables : elles ne répondent pas aux mêmes questions et ne poursuivent pas les mêmes finalités. Avec le temps, les conceptions spontanées reprennent leur place dans la vie courante puisqu’elles fonctionnent et sont efficaces et mobilisables facilement (Larochelle et Desautels, 1992).

         Certaines conceptions ne cèdent pas facilement et peuvent former des obstacles aux apprentissages des connaissances scientifiques, c’est ce que nous allons voir dans le paragraphe suivant.

 

Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 34-37 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il suffit d’envoyer son mail).

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