Il
est ce qu’on appelle une « tête froide » : bien qu’il ait le cœur
sensible et la larme facile. Il a une telle force de caractère qu’il arrive à
neutraliser ses émotions dès lors qu’il s’agit de raison d’État. Homme patient
et lucide, il ne laisse jamais ses passions et ses rancœurs prendre le dessus. Il
n’éprouve ni haine ni jalousie ; ses tourments lui viennent de sa
conscience très vive qui le taraude parfois. Il est extrêmement conscient de sa
responsabilité à l’égard de toute la communauté. (p. 163)
Grâce
à son intelligence, à son sérieux et sa droiture, le jeune était devenu un
commerçant prospère ; il était détaillant en tissus (bazzaz). Ses talents
de commerçant étaient doublés d’une mémoire phénoménale qui lui avait permis de
devenir généalogiste (nassab) hors pair – et l’on sait à quel point la
généalogie est considérée par les Arabes comme une science capitale. Il se
montrait également très doué pour l’interprétation des rêves, don qu’il devait
à la faveur de sa proximité avec le Prophète.
Tout
le monde à la Mecque connaissait et appréciait le beau Abi Quhafa dont le
visage fin et le teint blanc lui avaient valu le sobriquet de Atiq (atiq au
sens d’affranchi, c’est le Prophète qui lui aurait donné ce surnom parce qu’il
serait affranchi du feu de l’enfer). Son caractère discret, peu loquace et
sobre, aux confins de l’austérité, l’entrainait à mépriser même les fioritures
de langue auxquelles la veine poétique des Arabes est si sensible. On dit qu’il
n’a pas composé un seul vers de toute sa vie. (pp. 191 & 192)
On
raconte que bien avant sa conversion, Abû Bakr s’abstenait déjà de boire la moindre
goutte de vin ; il s’en expliquait en disant que l’ivresse fait perdre à l’homme
sa dignité (…) Abû Bakr était devenu l’alter
ego (un autre moi-même)
du Prophète. (…) lors de la fameuse bataille de Badr, il s’était même battu
contre son propre fils qui n’était pas encore converti. Évoquant plus tard
cette bataille mémorable, le père et le fils devaient avoir une discussion
troublante que nous rapporte Suyuti : « Ce jour-là, dit Abd al-Rahman
à son père, je me suis approché de toi, puis je me suis éloigné car j’avais décidé de ne pas
te tuer. » Et Abû Bakr de répondre à son fils :
« Moi par contre, si je m’étais approché de toi, je ne t’aurai pas raté! »
C’est dire comme Abû Bakr était prêt à sacrifier
son propre fils pour la gloire de l’islam. (…) Abû Bakr, le « père de la pucelle », car
Aisha est la seule vierge que le Prophète aura épousée. (...) La main de fer du premier calife, Abû Bakr,
armée du «sabre dégainé d’Allah», Khâlid, a frappé si violemment à la porte de
l’histoire quelle s’est ouverte en grand devant l’islam : les musulmans vont se
rendre maîtres du monde. (pp. 195-198)
Dans
son rapport aux femmes, il a été d’une grande discrétion. Sa vie privée a plutôt
été rangée et Abû Bakr n’a pas vécu de
passion amoureuse : il n’a connu « que » quatre femmes qu’il a
fréquentées dans le cadre régulier du mariage. (p. 199)
Biblio :
Hela Ouardi, « Les Califes maudits * * À l’ombre des sabres », Première
édition, Éditions Albin Michel, 2019, 186 pages.
Date de la première publication sur mon compte
FB : Hammam-Chatt, samedi 4 janvier 2020.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire