Une bonne idée que j’ai lue dans un
livre : La Chûra et la démocratie ? Dr Mohamed Talbi
Livre : « Plaidoyer
pour un islam moderne » (عيال الله), Mohamed Talbi, Cérès, Tunis, Desclée de Brouwer, Paris, 1998,
200 pages.
N’allons
pas prétendre que la chûra est la démocratie. Elle ne l’a jamais été, entre
autres parce qu’il n’y a jamais eu vraiment de démocratie dans la civilisation
islamique. Il n’y a jamais eu ni cartes d’électeur, ni isoloirs, ni décompte
des votes. Il existe cependant dans la pensée humaine quelques concepts
fondamentaux, comme la justice. Elle est une valeur spirituelle éternelle,
abstraction faite des adaptations et des actualisations qu’elle a connues. La
chûra, dans son essence, est une de ces valeurs morales fondamentales ancrées
dans nos esprits, dont le rejet conduit au pouvoir despotique arbitraire. Elle
invite à exercer le pouvoir en sachant demander conseil pour parvenir à un
consensus, que ce soit dans la pyramide du pouvoir politique, dans le clan u
même au sein de la famille. Elle ne s’identifie pas à la démocratie qui est le
pouvoir du peuple, mais on y trouve la notion de concertation que l’islam
cherche à promouvoir. La chûra, qui existait déjà avant la Prophète, a pris
toutes sortes de formes au cours de l’histoire. Il y avait à la Mecque, avant
la révélation, une maison où se réunissaient les chefs des divers clans pour
discuter de leurs affaires et prendre conseil les uns des autres. En Tunisie
avant l’islam, il y avait au sein des tribus berbères des assemblées qui
permettaient la concertation.
Le
Coran, quant à lui, invite de façon claire et indiscutable à la concertation à
propos des affaires de la umma. Mais il n’est pas une Constitution. Si c’était
le cas, il serait vite périmé, comme l’ont été tant de constitutions et de
régimes politiques et comme seront inéluctablement dépassées à leur tour nos
systèmes actuels. Le Coran laisse donc à la umma la latitude d’organiser la
concertation selon les institutions de son choix. Le principe de la
concertation est d’ordre moral. Il engage l’homme en tant qu’être doué de
raison mais il revient à chaque époque, à chaque génération et même à chaque
société, en fonction des circonstances, d’organiser ses affaires selon le mode
le plus opportun en utilisant les moyens adéquats pour éviter l’arbitraire et
tout qu’il engendre d’injustice et de contrainte. Il semble qu’aujourd’hui, le
meilleur d’y parvenir soit la démocratie occidentale. Il ne faut pas oublier
cependant que le terme de démocratie a pu couvrir les dictatures les plus horribles.
Il faut donc lui ôter son halo de sacré, car il peut faire écran à la
démocratie véritable. La démocratie n’est pas par ailleurs, un antidote magique
valable à toutes les époques et dans toutes les circonstances. Je ne sais pas
qu’en dira l’historien dans mille ans. Si, à cette étape de notre histoire,
nous pouvons réaliser l’idéal moral de la chûra par la voie de la démocratie,
tant mieux. Et si, dans l’histoire islamique, celle-ci n’a encore jamais
existé, il ne faut pas oublier que ce fût également le cas pour l’Occident,
longtemps gouverné par des systèmes politiques inspirés de la royauté de droit
divin.
Laissons
l’histoire à l’histoire. L’important, c’est qu’on ne trouve ni dans le Coran ni
dans la sunna rien qui s’oppose à la démocratie. On y trouve même une
invitation positive. C’est ce qu’ont cherché à mettre en avant un grand nombre
de réformateurs comme le Tunisien Khéreddine, et ce n’est pas un hasard si la
première constitution contemporaine du monde arabo-islamique a été la
constitution tunisienne de 1861, promulguée de son temps.
Date de la première
rediffusion sur mon blog et mes trois pages facebook, C. M. Dr M. K
Hammam-Chatt, le 31 mai
2013.
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