dimanche 23 février 2014

La logique du système : La loi de l’apostasie (الردّة عن الدين) dans l’islam. Yadh Ben Achour

La logique du système : La loi de l’apostasie (الردّة عن الدين) dans l’islam. Yadh Ben Achour

Source bibliographique
Aux fondements de l’orthodoxie sunnite, Yadh Ben Achour, Cérès éditions, 2009, Tunis, 297 pages

Page 179
Si l’apostasie existe, c’est qu’au départ et fondamentalement, il existe une antinomie irréductible entre une communauté de fidèles et un droit à l’infidélité. Il ne s’agit ni d’une déformation due à la pensée des interprètes, ni d’une politisation accidentelle de la religion, ni d’une situation due au fait que la hiérarchie religieuse se mêle de politique (ce qui - naïveté inexcusable - suppose qu’elle dispose de la liberté de faire autrement) ou à « l’identification de la politique dans la religion », ni d’un asservissement à on ne sait quel intérêt, quelle classe ou quelles « hypothèques socioculturelles », mais d’une logique de système

(. . .) C’est sur ce plan que se situe la question de l’apostasie. Il s’agit d’un concept théologique politique et juridique. C’est le droit, instrument du politique, de l’éthique et de la métaphysique, qui se met au service de la nature manichéenne du texte religieux. Ce deuxième facteur apparaît en réalité comme un deuxième temps dans l’histoire du message. Dans un premier temps, une idée religieuse se forme. L’exhortation et la liberté y prédominent. Ce fut le cas, en islam, du message religieux annoncé à la Mecque, caractérisé dans ses quelques premières années, par son contenu purement spirituel, en dehors des préoccupations institutionnelles et juridiques. Â Médine, après l’hégire, nous passons à la deuxième phase, la constitution d’une communauté religieuse politiquement organisée. L’histoire, évidemment, ne fait qu’accentuer les caractéristiques politiques de cette société qui se conçoit comme théocratique. C’est ici que la contrainte, élément fondamentalement politique, va surgir. La question de l’apostasie constitue, par conséquent, un élément décisif de ce passage du stade de l’énonciation au stade de l’exercice. La contrainte, en matière religieuse, advient par nécessité pratique. Dans le contexte monothéiste tout particulièrement, aucune religion n’y échappe, y compris celles dont le texte, comme les Evangiles, se caractérise par un apolitisme apparent. Il est donc erroné de croire que les responsables de l’effet de contrainte en matière religieuse, des « résultats déplorables », de l’« attitude rétrograde » et des « abus » qui s’en sont suivis sont les théologiens, les juristes classiques, les « traditionnalistes », les exégètes du Coran, représentants de « la hiérarchie religieuse 

Les pensées, les idées, les philosophies et les théologies ne sont pas, comme on pourrait le croire, la cause de l’invention de l’apostasie, mais la conséquence du système religieux lui-même. Le système religieux monothéiste est exclusif. L’invention de l’apostasie, car ce fut effectivement une invention, n’est pas épiphénoménale, mais systémique

Par conséquent, pour abolir l’apostasie, il faut abolir le système qui la soutient, la confusion des instances politique et religieuse. La séparation des instances est seule en mesure d’adoucir et libéraliser les lois du système. Et l’évolution du système ne peut se faire à son tour que par l’évolution des mœurs, de la pensée sociale et politique et du développement culturel et économique

Date de la première rediffusion sur mon blog et mes deux pages facebook
C. M. Dr M. K., Hammam-Chatt, lundi 24 février 2014




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