La logique du
système : La loi de l’apostasie (الردّة عن الدين) dans l’islam. Yadh Ben Achour
Source bibliographique
Aux fondements de
l’orthodoxie sunnite, Yadh Ben Achour, Cérès éditions, 2009, Tunis, 297 pages
Page 179
Si l’apostasie existe,
c’est qu’au départ et fondamentalement, il existe une antinomie irréductible
entre une communauté de fidèles et un droit à l’infidélité. Il ne s’agit ni
d’une déformation due à la pensée des interprètes, ni d’une politisation
accidentelle de la religion, ni d’une situation due au fait que la hiérarchie
religieuse se mêle de politique (ce qui - naïveté inexcusable - suppose qu’elle
dispose de la liberté de faire autrement) ou à « l’identification de la
politique dans la religion », ni d’un asservissement à on ne sait quel
intérêt, quelle classe ou quelles « hypothèques socioculturelles »,
mais d’une logique de système
(. . .) C’est sur ce
plan que se situe la question de l’apostasie. Il s’agit d’un concept
théologique politique et juridique. C’est le droit, instrument du politique, de
l’éthique et de la métaphysique, qui se met au service de la nature manichéenne
du texte religieux. Ce deuxième facteur apparaît en réalité comme un deuxième
temps dans l’histoire du message. Dans un premier temps, une idée religieuse se
forme. L’exhortation et la liberté y prédominent. Ce fut le cas, en islam, du
message religieux annoncé à la Mecque, caractérisé dans ses quelques premières
années, par son contenu purement spirituel, en dehors des préoccupations institutionnelles
et juridiques. Â Médine, après l’hégire, nous passons à la deuxième phase, la
constitution d’une communauté religieuse politiquement organisée. L’histoire,
évidemment, ne fait qu’accentuer les caractéristiques politiques de cette
société qui se conçoit comme théocratique. C’est ici que la contrainte, élément
fondamentalement politique, va surgir. La question de l’apostasie constitue,
par conséquent, un élément décisif de ce passage du stade de l’énonciation au
stade de l’exercice. La contrainte, en matière religieuse, advient par
nécessité pratique. Dans le contexte monothéiste tout particulièrement, aucune
religion n’y échappe, y compris celles dont le texte, comme les Evangiles, se
caractérise par un apolitisme apparent. Il est donc erroné de croire que les
responsables de l’effet de contrainte en matière religieuse, des
« résultats déplorables », de l’« attitude rétrograde » et
des « abus » qui s’en sont suivis sont les théologiens, les juristes
classiques, les « traditionnalistes », les exégètes du Coran,
représentants de « la hiérarchie religieuse
Les pensées, les idées,
les philosophies et les théologies ne sont pas, comme on pourrait le croire, la
cause de l’invention de l’apostasie, mais la conséquence du système religieux
lui-même. Le système religieux monothéiste est exclusif. L’invention de
l’apostasie, car ce fut effectivement une invention, n’est pas épiphénoménale,
mais systémique
Par conséquent, pour
abolir l’apostasie, il faut abolir le système qui la soutient, la confusion des
instances politique et religieuse. La séparation des
instances est seule en mesure d’adoucir et libéraliser les lois du système. Et
l’évolution du système ne peut se faire à son tour que par l’évolution des
mœurs, de la pensée sociale et politique et du développement culturel et
économique
Date de la première
rediffusion sur mon blog et mes deux pages facebook
C. M. Dr M. K., Hammam-Chatt,
lundi 24 février 2014
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