dimanche 13 juin 2021

Peut-on éviter certaines maladies héréditaires ? Citoyen du Monde

 

 

Science et idéologie : Les maladies héréditaires ne constituent pas une fatalité !

Un des objectifs du  débat actuel est de dissocier le postulat matérialiste de la biologie des conceptions héréditaristes et réductionnistes qui lui collent trop à la peau (Clément, 1999). Dans les manuels scolaires tunisiens et français (mis à part Nathan), l’identité d’un être humain est systématiquement associée à la seule identité génétique, ce qui manifeste des choix implicites très héréditaristes (Abrougui, 1997). Ces choix peuvent conforter des conceptions héréditaristes chez les enseignants tunisiens et des blocages ou absences de motivation chez les apprenants qui pourraient ainsi dire : l’intelligence est héréditaire, et si nous ne sommes pas intelligents, ce n’est pas notre faute et on n’y peut rien. Donc à quoi sert de travailler si notre destin est déjà écrit dans l’ADN ?

A présent, on pense que tous les comportements, toutes les pensées, de tous les êtres vivants sont des effets de l’interaction entre l’environnement et l’ADN. Mais les facteurs de l’environnement sont très faiblement pris en considération dans les manuels scolaires tunisiens, car ils sont absents dans les programmes, ce qui traduit un choix de la noosphère (Abrougui, 1997).

L’identité biologique est un concept porteur de plusieurs sens. Elle est en partie définie, bien sûr, par notre génome unique (ADN). Cette identité englobe le biologique, le génétique, le comportemental, le psychologique, car les traits psychologiques ont, avec l’épigenèse, une base neuronale : ils sont aussi biologiques (Abrougui & Clément, 1996). Notre identité biologique, c’est tout notre corps en interaction avec son environnement intérieur et extérieur comme l’affirme  Prochiantz (1993) « On ne pense pas de la même manière si on est un manchot ou si l’on a ses deux mains ». L’intelligence n’est pas uniquement située dans la tête.

L’exemple connu de modification du déterminisme génétique, c’est le cas de la lutte contre  la "phénylcétonurie" (n.b.1)  par un régime carencé en phénylalanine responsable de cette maladie chez les porteurs du gène (Jacquard, 1972). Nous savons aussi que l’expression du gène dépend de son environnement cellulaire comme dans  le cas du colibacille (n.b.2).

Il n’empêche que certains gènes sont directement déterminants comme dans le cas de la maladie de « la chorée de Huntington» (n.b.3). Cependant, il est des cas d’anomalies génétiques où l’environnement peut empêcher la prédisposition génétique de se concrétiser comme dans le cas où la découverte d’une prédisposition à un infarctus du myocarde peut conduire à une hygiène, alimentaire notamment, plus stricte. Un autre exemple est cité par Atlan : « Certains cancers du sein ont une détermination génétique : ce sont les cancers familiaux et précoces, qui touchent, de mère en fille, des femmes relativement jeunes. Actuellement, on a identifié des gènes qui déterminent l’apparition de cancers dans ces familles. Cette détermination n’est pas absolue, mais importante, car elle a été estimée à 80 % (bien que cette estimation soit contestée),  […] Toute la question est là : est-ce 20 % c’est beaucoup ou non, est-ce que 80% c’est beaucoup ou non ? Dans ces exemples, la prédiction n’est pas absolue. Quand elle est absolue (ce qui est rare), comme dans le cas de la chorée de Huntington, pour autant on ne sait pas à quel moment la maladie va se développer. » (Atlan & Bousquet, 1994, p.p. 65-66).

Dans l’exemple précédent, Atlan a parlé  de parité (détermination estimée à 80%) mais il a ajouté entre parenthèses que cette estimation est contestée. En effet, elle l’est car il y a une interaction entre le génome, l’environnement et le phénotype donc nous préférons la formule « magico-scientifique » d’Albert  Jacquard « 100 % inné et 100 % acquis » pour chaque caractère, (Jacquard, 1993).

 

Notes de bas de page

1.      Phénylcétonurie : Affection héréditaire dans laquelle l’enzyme qui transforme la phénylalanine (acide aminé) en tyrosine (autre acide aminé) est déficiente et cela provoque une arriération mentale sévère. Un traitement est possible, il consiste à restreindre la prise de phénylalanine qui est un constituant de la plupart des aliments renfermant des protéines. Le malade est soumis à un régime, principalement végétarien, très pauvre en protéines.

 

2.       Colibacille : Ce n’est qu’en présence de lactose que le colibacille se met à synthétiser une protéine qui lui permet de tirer de l’énergie de ce sucre particulier. Ce signal qui déclenche la transcription du gène correspondant est détecté par une partie du gène lui même (Chambon, 1993).

 

3.      La chorée de Huntington : Maladie peu fréquente dans laquelle la dégénérescence des noyaux striés gris centraux du cerveau entraîne une chorée (mouvements involontaires, rapides, saccadés) et une démence (détérioration mentale progressive). C’est une maladie génétique à transmission autosomique dominante. Les symptômes n’apparaissent généralement pas avant l’âge de 35 à 50 ans ; dans de rares cas, cette maladie survient dans l’enfance (Encyclopédie médicale de la famille, Larousse, 1991).

 

Si l’intelligence n’est pas héréditaire par les gènes à 100%, quel est donc son autre support  biologique?

 

Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 123-127 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il suffit d’envoyer son mail).

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