samedi 5 juin 2021

Notre identité biologique, est-elle déterminée seulement par nos gènes ? Citoyen du Monde

 

 

L’identité biologique est-elle limitée à l’identité génétique ?

Nous allons esquisser un petit historique de l’identité de l’homme:

ü  La notion de la « prédestination » (Elmektoub) remonte à la plus haute antiquité, elle a été reprise et amplifiée par les discours religieux qui considèrent que  les moindres gestes et faits de notre vie sont programmés par Dieu avant notre naissance.

ü  Au 18ème siècle, ce déterminisme religieux va devenir biologique avec le progrès scientifique. En effet, c’est vers 1802 que Gall (médecin et père de la phrénologie) postulait  que le développement des aptitudes mentales correspondait à une bosse détectable par palpation de la boîte crânienne (bosse des maths !).

ü  Au 19ème siècle, « du temps de l’anthropologie criminelle de Cesare Lombroso (1887). Celui-ci prétendait pouvoir identifier les prostitués à leurs pieds : elles avaient soi-disant le gros orteil séparé des autres doigts, tout comme les pieds préhensiles des singes, signe morphologique de régression évolutive de cette catégorie de femmes indésirables dans la société », (Vidal, 2001 ; Gould, 1983).

ü  Au 20ème siècle, le déterminisme devient microscopique et détourne à son profit les grandes avancées en technologie et en génétique comme le montrent les trois exemples de recherche suivants :

§   « En 1993, Dean Hamer décrivait dans la revue Science un fragment du chromosome X associé à l’orientation homosexuelle chez l’homme. Depuis, la réalité de ce gène a été clairement invalidée (Rice et al. 1999). Néanmoins le succès médiatique du gène de l’homosexualité a été tel qu’il est toujours présent dans l’esprit du grand public », (Vidal, 2001).

§   « Je pense, par exemple, à un éditorial de la revue Science voici quelques années, expliquant que non seulement toutes les maladies seraient guéries mais la criminalité aussi, puisque ce projet permettrait d’identifier le gène de la criminalité et de l’éliminer de la population ! » (Atlan & Bousquet, 1994, p. 82).

§  « les travaux récents de Dreen Kimura (2001, Western Ontario, Canada) en offrent une autre illustration : il est question cette fois de trouver des corrélations entre le sexe, le nombre de stries des empreintes digitales et les fonctions cognitives. Ainsi les hommes auraient un nombre de stries plus élevé que les femmes, tandis que le nombre de stries des homosexuels masculins serait plus proche de celui des femmes et des hommes transsexuels. […] mais Kimura ne s’arrête pas là et va jusqu’à trouver des corrélations entre le nombre de stries des doigts et les meilleures performances des hommes par rapport aux femmes dans des tests de raisonnement mathématique. Ainsi, ces différences d’aptitudes déterminées avant la naissance expliqueraient non seulement la faible proportion des femmes dans les disciplines mathématiques et physiques, mais aussi la moindre productivité des femmes scientifiques comparées à leurs homologues masculins » (Vidal, 2001)

 

Le plus grave dans les exemples cités ci-dessus, réside d’une part dans la fausseté des connaissances qui peut créer un obstacle didactique difficile à surmonter, et d’autre part dans l’idéologie qui utilisait au 19ème siècle un trait morphologique (bosse dans le crâne, gros orteil séparé, etc.) et au 20ème siècle un trait génétique (chromosome ou gène) ou l’imagerie cérébrale pour justifier les différences entre les hommes et les femmes ou déterminer un comportement humain (prostitution, homosexualité, criminalité, intelligence, croyance en Dieu, etc.). Les critères  ont changé mais l’enjeu est le même comme le définit Vidal (2001) : « il s’agit de trouver une raison biologique aux inégalités socioculturelles» et nous complétons la phrase de Vidal en disant «pour que le pouvoir politique  se dérobe de ses responsabilités envers les damnés de la terre».

Nous rappelons les grandes formes de croyances déterministes qui se sont succédées, et persistent encore, avec comme seul point commun un déterminisme malgré soi (dès notre naissance) de traits fondamentaux de notre personnalité : la théorie de la prédestination (jansénistes, calvinistes, etc.), l’astrologie, la chiromancie (art de prédire l`avenir d`après les lignes de la main), la physiognomonie (qui est devenue la morphopsychologie, c’est elle qui a inventé la théorie de l’angle facial), le nazisme et le déterminisme  génétique (Clément et al, 2000).

Au 20ème siècle, le déterminisme biologique est fréquemment réduit au déterminisme génétique et ce sont nos gènes, selon les héréditaristes et les sociobiologistes, qui contrôleraient notre intelligence et nos performances sociales.

Le Dieu des religieux est remplacé par le Dieu « ADN » des biologistes dans les idéologies héréditaristes. Ces dernières ont connu un grand succès avec le nazisme, l’eugénisme, la purification ethnique, le racisme, le sexisme, les surdoués (dont les échecs sont tus par la presse), l’élitisme banal du système scolaire et le fatalisme social (Clément, 1993).

Les arguments classiques du déterminisme biologique confondent les apprentissages individuels et sociaux pour faire des distinctions entre les groupes humains (par exemple, l’intelligence), produits de l’évolution culturelle et historique (Gould, 1983), avec des phénotypes génétiquement déterminés.

 

Est-ce que nos comportements, comme l’agressivité et l’intelligence, sont acquis ou héréditaires ?

 

Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 90-95 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il suffit d’envoyer son mail).

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