L’identité
biologique est-elle limitée à l’identité génétique ?
Nous allons esquisser un
petit historique de l’identité de l’homme:
ü La
notion de la « prédestination » (Elmektoub) remonte à la plus haute
antiquité, elle a été reprise et amplifiée par les discours religieux qui
considèrent que les moindres gestes et faits de notre vie sont programmés
par Dieu avant notre naissance.
ü Au
18ème siècle, ce déterminisme religieux va devenir biologique avec
le progrès scientifique. En effet, c’est vers 1802 que Gall (médecin et père de
la phrénologie) postulait que le
développement des aptitudes mentales correspondait à une bosse détectable par
palpation de la boîte crânienne (bosse des maths !).
ü Au
19ème siècle, « du temps de l’anthropologie criminelle de
Cesare Lombroso (1887). Celui-ci prétendait pouvoir identifier les prostitués à
leurs pieds : elles avaient soi-disant le gros orteil séparé des autres
doigts, tout comme les pieds préhensiles des singes, signe morphologique de
régression évolutive de cette catégorie de femmes indésirables dans la
société », (Vidal, 2001 ; Gould, 1983).
ü Au
20ème siècle, le déterminisme devient microscopique et détourne à
son profit les grandes avancées en technologie et en génétique comme le
montrent les trois exemples de recherche suivants :
§ « En 1993, Dean Hamer décrivait dans
la revue Science un fragment du chromosome X associé à l’orientation
homosexuelle chez l’homme. Depuis, la réalité de ce gène a été clairement
invalidée (Rice et al. 1999). Néanmoins le succès médiatique du gène de
l’homosexualité a été tel qu’il est toujours présent dans l’esprit du grand
public », (Vidal, 2001).
§ « Je pense, par exemple, à un éditorial
de la revue Science voici quelques années, expliquant que non seulement toutes
les maladies seraient guéries mais la criminalité aussi, puisque ce projet
permettrait d’identifier le gène de la criminalité et de l’éliminer de la
population ! » (Atlan & Bousquet, 1994, p. 82).
§ « les
travaux récents de Dreen Kimura (2001, Western Ontario, Canada) en offrent une
autre illustration : il est question cette fois de trouver des
corrélations entre le sexe, le nombre de stries des empreintes digitales et les
fonctions cognitives. Ainsi les hommes auraient un nombre de stries plus élevé
que les femmes, tandis que le nombre de stries des homosexuels masculins serait
plus proche de celui des femmes et des hommes transsexuels. […] mais Kimura ne
s’arrête pas là et va jusqu’à trouver des corrélations entre le nombre de
stries des doigts et les meilleures performances des hommes par rapport aux
femmes dans des tests de raisonnement mathématique. Ainsi, ces différences
d’aptitudes déterminées avant la naissance expliqueraient non seulement la
faible proportion des femmes dans les disciplines mathématiques et physiques,
mais aussi la moindre productivité des femmes scientifiques comparées à leurs
homologues masculins » (Vidal, 2001)
Le plus grave dans les exemples cités ci-dessus,
réside d’une part dans la fausseté des connaissances qui peut créer un obstacle
didactique difficile à surmonter, et d’autre part dans l’idéologie qui
utilisait au 19ème siècle un trait morphologique (bosse dans le
crâne, gros orteil séparé, etc.) et au 20ème siècle un trait
génétique (chromosome ou gène) ou l’imagerie cérébrale pour justifier les
différences entre les hommes et les femmes ou déterminer un comportement humain
(prostitution, homosexualité, criminalité, intelligence, croyance en Dieu,
etc.). Les critères ont changé mais
l’enjeu est le même comme le définit Vidal (2001) : « il s’agit de
trouver une raison biologique aux inégalités socioculturelles» et nous
complétons la phrase de Vidal en disant «pour que le pouvoir politique
se dérobe de ses responsabilités envers les damnés de la terre».
Nous rappelons les grandes formes de
croyances déterministes qui se sont succédées, et persistent encore, avec comme
seul point commun un déterminisme malgré soi (dès notre naissance) de traits fondamentaux
de notre personnalité : la théorie de la prédestination (jansénistes,
calvinistes, etc.), l’astrologie, la chiromancie (art de prédire l`avenir
d`après les lignes de la main), la physiognomonie (qui est devenue la
morphopsychologie, c’est elle qui a inventé la théorie de l’angle facial), le
nazisme et le déterminisme génétique
(Clément et al, 2000).
Au 20ème siècle, le déterminisme
biologique est fréquemment réduit au déterminisme génétique et ce sont nos
gènes, selon les héréditaristes et les sociobiologistes, qui contrôleraient
notre intelligence et nos performances sociales.
Le Dieu des religieux est remplacé par le
Dieu « ADN » des biologistes dans les idéologies héréditaristes. Ces
dernières ont connu un grand succès avec le nazisme, l’eugénisme, la
purification ethnique, le racisme, le sexisme, les surdoués (dont les échecs
sont tus par la presse), l’élitisme banal du système scolaire et le fatalisme
social (Clément, 1993).
Les arguments classiques du déterminisme
biologique confondent les apprentissages individuels et sociaux pour faire des
distinctions entre les groupes humains (par exemple, l’intelligence), produits
de l’évolution culturelle et historique (Gould, 1983), avec des phénotypes
génétiquement déterminés.
Est-ce
que nos comportements, comme l’agressivité et l’intelligence, sont acquis ou
héréditaires ?
Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs
ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar,
2014, pp. 90-95 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie
électronique, il suffit d’envoyer son mail).
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