Critiques épistémologiques récentes du
paradigme « ADN-comme-programme »
Le
rôle de l’ADN est considéré différemment selon le paradigme dans lequel on
pense. Kuhn (1986) appelle paradigme « la conception théorique
dominante ayant cours à une certaine époque dans une communauté scientifique
donnée, qui fonde les types d’explication envisageables, et les types de faits
de découvrir dans une science donnée ».
Atlan
(1999), biophysicien, oppose l’ancien paradigme du programme
génétique aux nouveaux paradigmes de l’émergence et de la complexité et appelle
paradigme l’« ensemble d’idées, de conceptions, qui forment un ordre de
pensée à l’intérieur duquel on pense, on imagine et on planifie les
expériences, on interprète les résultats, on élabore des théories »
(cité par Rumelhard, 2005).
Parmi
les quatre approches possibles, épistémologiques, institutionnelles,
psychologiques et sociologiques des paradigmes, par réduction du champ de
spécialité, seule la première pourrait, de manière privilégiée, donner lieu à
un travail didactique (Rumelhard, 2005).
Nous
allons présenter trois paradigmes (ou métaphores ou modèles) qui
interprètent le rôle de l’ADN de trois façons : le paradigme de l’ADN comme
programme, le paradigme de l’ADN comme
données et celui de la fin du « tout génétique ».
On
peut se demander si le paradigme de l’ADN comme programme n’est pas lié aux
conceptions déterministes qu’il renforce. Dans notre culture arabo-musulmane,
il existe une conception déterministe
nommée « Elmektoub »
(mot arabe qui veut dire littéralement en français « c’est
écrit », « c’est le destin »). « Elmektoub » signifie
que tous nos actes durant toute notre vie sont prédéterminés et sont écrits sur
« le front » de l`individu à sa naissance. Le paradigme de l’ADN
comme programme vient renforcer cette conception en lui donnant une base
scientifique mais en déplaçant un peu le lieu de l’écriture, du « front »
aux gènes. L’appellation même des 4 bases, les 4 lettres du code génétique
renforce la métaphore d` « Elmektoub ».
Il
faudrait citer ici en totalité les propos d’Atlan pour bien comprendre
sa critique du paradigme de l’ADN comme programme :
Atlan :
« Certains pensent que le
programme génétique n’est pas une métaphore, que c’est réel ! […] la façon
dont un chercheur interprète les faits bizarres ou inattendus qu’il rencontre
reste à l’intérieur du même paradigme, avec le même vocabulaire […] Derrière la
métaphore du programme se trouve quand même une réalité. Cette réalité, que
l’on observe, est un développement orienté dans le temps vers une finalité, au
moins apparente. Un embryon de souris ne donnera jamais qu’une souris, et un
œuf de poule, une poule, on le sait depuis longtemps. » (Atlan
& Bousquet, 1994, p.p. 169-172).
Atlan : « La cellule fonctionne comme
un interpréteur du programme codé dans l’ADN. Elle joue un rôle supplémentaire
en fournissant des données à ce programme, puisque, après différentiation, le
même génome est traité par différentes cellules en sorte d’accomplir
différentes fonctions. Le caractère distinctif critique de ce modèle est que la
machinerie cellulaire, comme interpréteur du programme, n’est pas un programme
total. Autrement dit, n’importe quelle chaîne de gènes à l’entrée ne produit
pas nécessairement un résultat (un phénotype) à la sortie. Ce modèle pose un
problème sérieux en ce qu’il ne permet pas d’expliquer l’évolution de façon non
téléologique. Car l’information dans un programme est localisée, et c’est pourquoi
les programmes ne sont pas robustes. Une mutation locale aléatoire dans un
programme le détruirait dans presque tous les cas. Pour pouvoir conserver une
représentation téléonomique et non téléologique (étude de la finalité),
nous devons remplacer ce modèle par un autre qui attribue aux ADN un rôle plus
robuste » (Atlan & Koppel, 1991, p. 199).
Est-ce
que notre intelligence est inscrite dans nos gènes dès la naissance ?
Source: Le système
éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que
leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 105-108
(Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il
suffit d’envoyer son mail).
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