mardi 8 juin 2021

« Elmektoub » dans L’ADN, un programme ou non ? Citoyen du Monde

 

 

Critiques épistémologiques récentes du paradigme « ADN-comme-programme »

Le rôle de l’ADN est considéré différemment selon le paradigme dans lequel on pense. Kuhn (1986) appelle paradigme « la conception théorique dominante ayant cours à une certaine époque dans une communauté scientifique donnée, qui fonde les types d’explication envisageables, et les types de faits de découvrir dans une science donnée ».

Atlan (1999), biophysicien, oppose l’ancien paradigme du programme génétique aux nouveaux paradigmes de l’émergence et de la complexité et appelle paradigme l’« ensemble d’idées, de conceptions, qui forment un ordre de pensée à l’intérieur duquel on pense, on imagine et on planifie les expériences, on interprète les résultats, on élabore des théories » (cité par Rumelhard, 2005).

Parmi les quatre approches possibles, épistémologiques, institutionnelles, psychologiques et sociologiques des paradigmes, par réduction du champ de spécialité, seule la première pourrait, de manière privilégiée, donner lieu à un travail didactique (Rumelhard, 2005).

Nous allons présenter trois paradigmes (ou métaphores ou modèles) qui interprètent le rôle de l’ADN de trois façons : le paradigme de l’ADN comme programme,  le paradigme de l’ADN comme données et celui de la fin du « tout génétique ».

On peut se demander si le paradigme de l’ADN comme programme n’est pas lié aux conceptions déterministes qu’il renforce. Dans notre culture arabo-musulmane, il existe une conception déterministe  nommée  « Elmektoub » (mot arabe qui veut dire littéralement en français  « c’est écrit », « c’est le destin »). « Elmektoub » signifie que tous nos actes durant toute notre vie sont prédéterminés et sont écrits sur « le front » de l`individu à sa naissance. Le paradigme de l’ADN comme programme vient renforcer cette conception en lui donnant une base scientifique mais en déplaçant un peu le lieu de l’écriture, du « front » aux gènes. L’appellation même des 4 bases, les 4 lettres du code génétique renforce la métaphore d` « Elmektoub ».

 

Il faudrait citer ici en totalité les propos d’Atlan pour bien comprendre sa critique du paradigme de l’ADN comme programme :

Atlan : « Certains pensent  que le programme génétique n’est pas une métaphore, que c’est réel ! […] la façon dont un chercheur interprète les faits bizarres ou inattendus qu’il rencontre reste à l’intérieur du même paradigme, avec le même vocabulaire […] Derrière la métaphore du programme se trouve quand même une réalité. Cette réalité, que l’on observe, est un développement orienté dans le temps vers une finalité, au moins apparente. Un embryon de souris ne donnera jamais qu’une souris, et un œuf de poule, une poule, on le sait depuis longtemps. »  (Atlan & Bousquet, 1994, p.p. 169-172).

Atlan : « La cellule fonctionne comme un interpréteur du programme codé dans l’ADN. Elle joue un rôle supplémentaire en fournissant des données à ce programme, puisque, après différentiation, le même génome est traité par différentes cellules en sorte d’accomplir différentes fonctions. Le caractère distinctif critique de ce modèle est que la machinerie cellulaire, comme interpréteur du programme, n’est pas un programme total. Autrement dit, n’importe quelle chaîne de gènes à l’entrée ne produit pas nécessairement un résultat (un phénotype) à la sortie. Ce modèle pose un problème sérieux en ce qu’il ne permet pas d’expliquer l’évolution de façon non téléologique. Car l’information dans un programme est localisée, et c’est pourquoi les programmes ne sont pas robustes. Une mutation locale aléatoire dans un programme le détruirait dans presque tous les cas. Pour pouvoir conserver une représentation téléonomique et non téléologique (étude de la finalité), nous devons remplacer ce modèle par un autre qui attribue aux ADN un rôle plus robuste » (Atlan & Koppel, 1991, p. 199).

 

Est-ce que notre intelligence est inscrite dans nos gènes dès la naissance ?


 

Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 105-108 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il suffit d’envoyer son mail).

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