dimanche 6 juin 2021

Auto-organisation et émergence : nos comportements, sont-ils acquis ou héréditaires ? Citoyen du Monde

 

 

Les comportements comme l’agressivité, l’intelligence ou la performance d’être très bon violoniste sont des émergences résultant de l’auto-organisation des neurones en interaction avec l’environnement « Il apparaissait plutôt que le cerveau fonctionne à partir d’interconnexions massives, sur un schéma distribué, de sorte que la configuration des liens entre ensembles de neurones puisse se modifier au fil de l’expérience. Ces ensembles témoignent d’une aptitude à l’auto-organisation qui ne trouve aucune représentation en logique » (Varéla, 1989).

 

Parler d’émergence, c’est alors refuser le réductionnisme, refuser de réduire nos comportements à un programme codé dans nos gènes.

Le concept d’auto-organisation a été mis en évidence à partir des nouvelles générations d’ordinateurs (Varéla, 1989). Transposé en biologie, il permet de concevoir qu’il puisse exister au sein de tout système biologique une « marge de liberté »  et de « créativité » indispensable à la survie de toute espèce. La liberté et la créativité sont, par définition, des processus d’auto-organisation qui n’obéissent, ni à un programme génétique (ADN), ni à un apprentissage scolaire. Ces processus découlent des propriétés intrinsèques du système : l’ouverture, la complexité, la redondance (n.b.1), la fiabilité et la compétence.

Cette théorie de l’auto-organisation se retrouve, implicite, dans la théorie de Piaget (Universalis, 1997) et le constructivisme peut aujourd’hui s’appuyer sur l’ontogenèse neuronale, la mise en place des synapses et la constitution des réseaux neuronaux (Clément, 1994): par exemple, les travaux multiples sur l’ontogenèse (n.b.2) de la vision chez le chaton ont montré que certaines voies visuelles se mettent en place même sans expérience visuelle, mais pas d’autres : la proportion de neurones répondant à des lignes horizontales ou verticales varie selon l’expérience visuelle du chaton (Hubel et Wiesel, 1962).

L’auto-organisation et l’émergence pourraient ne pas faciliter la résolution d’un problème mais au contraire le complexifier : Prenons l’exemple de l’intelligence, elle est 100 %  héréditaire et 100 % acquise d’après la formule « magico-scientifique » d’Albert Jacquard :

 - 100% innée car on hérite de nos parents un cerveau humain composé de 1011 neurones. Dans chaque neurone, s’effectuent des milliards de réactions chimiques. Le neurone n’est pas isolé, il échange avec son environnement cellulaire des milliards d’éléments chimiques instables.

- 100 % acquise car l’homme construit son intelligence en interaction avec son environnement social.

 

Critiques récentes du concept "auto-organisation".

Kupiek (2005), le chercheur à l’école normale supérieure de Paris nous met en garde contre de multiples confusions : « souvent considérée comme une alternative au programme génétique, l’auto-organisation est une théorie des années 1960 qui connaît plusieurs variantes, portées par Henri Atlan, Ilya Prigogine, Stuart Kauffman…Elle tente d’expliquer l’émergence de l’ordre à partir des interactions entre les composants d’un système biologique sans faire appel à une contrainte qui s’exercerait sur ce système. Elle semble donc s’opposer au programme génétique, censé dicter le comportement des protéines. Cette opposition n’est que superficielle. En effet l’auto-organisation souscrit à la même vision d’un monde hiérarchisé en niveaux d’organisation différenciés qualitativement. […] Tandis que la génétique privilégie l’information génomique équivalente de la spécificité et de la cause formelle, l’auto-organisation réintroduit l’accident et la cause finale […] Elles sont prisonnières du même cadre de pensée. Elles partagent la même vision d’un monde fondamentalement en ordre qu’elles cherchent à expliquer ».

 

Conclusion

            Nous ne sommes pas tout à fait d’accord avec la mise en garde de Kupiek : l’épigenèse qui tente d’expliquer l’émergence de comportements à partir des interactions entre les neurones, semble bien s’opposer au programme génétique. Cette opposition nous paraît profonde, car d’après les déterministes, nos comportements sont inscrits dés la naissance dans nos gènes (gènes de l’intelligence, de l’agressivité, de l’alcoolisme, de l’homosexualité, de la croyance en Dieu, etc.).

 

Notes de bas de page

1.      La redondance se traduit par le fait que de nombreux éléments identiques quand à la structure et à la fonction sont interconnectés entre eux et ne sont pas localisés en un même lieu.

2.      Ontologie : Histoire singulière d’un individu ou d’une cellule.

 

 

Est-ce que le développement des recherches en épigenèse annoncera la fin de la dominance du paradigme du « tout génétique » ?

 

Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 96-100 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il suffit d’envoyer son mail).

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