mercredi 2 juin 2021

« L’épigenèse cérébrale » complète le « tout génétique » ! Citoyen du Monde

 

 

Le concept "épigenèse" : un bref rappel historique

Avec R. Y Cajal (début XXème), le cerveau devient neuronal. L’invention du terme neurone est discutée entre lui et Waldeyer (1890). Golgi défendait la continuité des neurones à la place de leur contiguïté. Le point d’articulation entre les neurones recevra le nom de synapse donné par le physiologiste anglais Sherrington (1897). Cajal avait émis en 1909 l’hypothèse que la croissance des neurones se poursuivait après la naissance sous l’influence de l’exercice (cité par Jeannerod, 1983). On voit dans les propos de Cajal les prémisses de la théorie de l’épigenèse.

Atlan : « la vieille querelle (qui a fait les beaux jours des XVIIIè et XIXè siècles) entre préformation, où le germe est considéré comme miniature toute formée de l’adulte, et épigenèse, où le germe est, au contraire, sans structure et inorganisé, l’organisation de l’adulte ne venant que du développement. La biologie moléculaire a nécessairement associé ces idées opposées… » (Atlan & Bousquet, 1994, p. 160).

Changeux : « L’élément épi- est tiré du grec et désigne « sur », « en plus », avec l’idée de superposition, de recouvrement. Le mot genèse, issu de l’ancien testament, se réfère initialement à la création du monde, à la formation d’une chose, d’une pensée, au développement. Le mot épigenèse possède pour nous, le double sens, de se superposer à l’action des gènes (effets de l’expérience) et de se rapporter au développement (du système nerveux) » (Changeux, 2001)

 

La théorie de l’épigenèse cérébrale

Vidal (2001) définit l’épigenèse : « A la naissance, le programme génétique a défini les grandes lignes de l’architecture du cerveau et les neurones cessent de se multiplier (NB : La non multiplication des neurones après la naissance : un dogme scientifique ébranlé). Cependant, la construction du cerveau est loin d’être terminée : 90 % des circuits de neurones vont se former progressivement dans les années qui suivent la naissance. C’est précisément sur la construction de ces circuits que l’environnement intervient sous ses diverses formes, qu’il s’agisse du milieu intérieur (alimentation, hormones) ou extérieur (interactions familiales et sociales, rapport au monde) ».

Le terme d’épigenèse est aussi utilisé en biologie moléculaire.

On estime actuellement le nombre gènes de l’ADN humain à moins de 30 mille. Ils sont incapables de contenir une programmation différentielle de la  formation de 1016 synapses (1012 neurones dont chacune contracte 10 mille synapses). Donc ils interviennent de façon plus globale et leur rôle complété par celui des facteurs non génétiques dans le développement du cerveau s’avère  indispensable (Jacquard, 1993). Ces facteurs sont appelés facteurs épigénétiques (le préfixe grec épi signifie tout à la fois, le surcroît, la succession, le contact et l’inflexion d’une trajectoire) car ils interviennent après la genèse initiale induite par les informations présentes dans les gènes. Ils comprennent des facteurs d’environnement (nutritionnels, sensoriels, l’expérience sociale et l’apprentissage) et des facteurs intrinsèques (interaction entre cellules, sécrétion de substances chimiques, hormones en particulier) (Habib, 1995). La théorie de l’épigenèse  est  popularisée par Changeux en 1983.

 

Etapes de l`épigenèse cérébrale

§  Redondance transitoire = les arborisations axonales et dendritiques bourgeonnent et s’épanouissent de manière exubérante.

  • Régression = des phénomènes régressifs interviennent rapidement. Des neurones meurent. Des synapses actives disparaissent.
  • Stabilisation = en réponse aux stimulations sensorielles reçues par le cerveau, certaines combinaisons de connexions sont sélectionnées et consolidées plutôt que d’autres.

 

Le cerveau naît  immature et c’est grâce aux processus épigénétiques que les réseaux neuronaux  se configurent en fonction de l’expérience individuelle et sociale de chaque individu pour donner enfin un cerveau unique au monde (Clément, 1999). L’épigenèse dure jusqu’à l’âge de 15 ans (Fottorino, 1999) mais le cerveau reste plastique jusqu’à un âge avancé (Prochiantz, 1993). L’épigenèse est une théorie qui a une limite tracée par l’enveloppe génétique, caractéristique de l’espèce, on a beau mettre un singe dans un environnement humain, il ne deviendra pas homme pour autant (Prochiantz, 1993).

 

Conclusion

L`épigenèse nous met devant une sorte d`interaction hautement complexe entre l`inné et l`acquis, une interaction qui nous rappelle ce qui se passe dans une réaction (chimique) où les éléments perdent leurs propriétés chimiques et physiques intrinsèques d`origine et se transforment en corps émergents dès qu`ils interagissent avec d`autres éléments d`une nature différente.

Est-ce que notre cerveau est capable de s`adapter aux situations émergentes de la vie : est-ce que ses réseaux neuronaux sont capables de se reconfigurer selon les expériences vécues ?

 

 

Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 76-80 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il suffit d’envoyer son mail).

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