Le
concept "épigenèse" : un bref rappel historique
Avec
R. Y Cajal (début XXème), le cerveau devient neuronal. L’invention
du terme neurone est discutée entre lui et Waldeyer (1890). Golgi défendait la
continuité des neurones à la place de leur contiguïté. Le point d’articulation
entre les neurones recevra le nom de synapse donné par le physiologiste anglais
Sherrington (1897). Cajal avait émis en 1909 l’hypothèse que la croissance des
neurones se poursuivait après la naissance sous l’influence de l’exercice (cité
par Jeannerod, 1983). On voit dans les propos de Cajal les prémisses de la
théorie de l’épigenèse.
Atlan :
« la vieille querelle (qui a fait les beaux jours des XVIIIè et
XIXè siècles) entre préformation, où le germe est considéré
comme miniature toute formée de l’adulte, et épigenèse, où le germe est, au
contraire, sans structure et inorganisé, l’organisation de l’adulte ne venant
que du développement. La biologie moléculaire a nécessairement associé ces
idées opposées… » (Atlan & Bousquet, 1994, p. 160).
Changeux :
« L’élément épi- est tiré du grec et désigne « sur »,
« en plus », avec l’idée de superposition, de recouvrement. Le mot
genèse, issu de l’ancien testament, se réfère initialement à la création du
monde, à la formation d’une chose, d’une pensée, au développement. Le mot
épigenèse possède pour nous, le double sens, de se superposer à l’action des
gènes (effets de l’expérience) et de se rapporter au développement (du système
nerveux) » (Changeux, 2001)
La
théorie de l’épigenèse cérébrale
Vidal
(2001) définit l’épigenèse : « A la naissance, le programme
génétique a défini les grandes lignes de l’architecture du cerveau et les
neurones cessent de se multiplier (NB : La non multiplication des
neurones après la naissance : un dogme scientifique ébranlé).
Cependant, la construction du cerveau est loin d’être terminée : 90 % des
circuits de neurones vont se former progressivement dans les années qui suivent
la naissance. C’est précisément sur la construction de ces circuits que
l’environnement intervient sous ses diverses formes, qu’il s’agisse du milieu
intérieur (alimentation, hormones) ou extérieur (interactions familiales et
sociales, rapport au monde) ».
Le terme
d’épigenèse est aussi utilisé en biologie moléculaire.
On
estime actuellement le nombre gènes de l’ADN humain à moins de 30 mille. Ils
sont incapables de contenir une programmation différentielle de la formation de 1016 synapses (1012
neurones dont chacune contracte 10 mille synapses). Donc ils interviennent de
façon plus globale et leur rôle complété par celui des facteurs non génétiques
dans le développement du cerveau s’avère
indispensable (Jacquard, 1993). Ces facteurs sont appelés facteurs
épigénétiques (le préfixe grec épi signifie tout à la fois, le surcroît, la
succession, le contact et l’inflexion d’une trajectoire) car ils interviennent
après la genèse initiale induite par les informations présentes dans les gènes.
Ils comprennent des facteurs d’environnement (nutritionnels, sensoriels,
l’expérience sociale et l’apprentissage) et des facteurs intrinsèques
(interaction entre cellules, sécrétion de substances chimiques, hormones en
particulier) (Habib, 1995). La théorie de l’épigenèse est
popularisée par Changeux en 1983.
Etapes
de l`épigenèse cérébrale
§ Redondance
transitoire = les arborisations axonales et dendritiques bourgeonnent et
s’épanouissent de manière exubérante.
- Régression
= des phénomènes régressifs interviennent rapidement. Des neurones
meurent. Des synapses actives disparaissent.
- Stabilisation
= en réponse aux stimulations sensorielles reçues par le cerveau,
certaines combinaisons de connexions sont sélectionnées et consolidées
plutôt que d’autres.
Le
cerveau naît immature et c’est grâce aux
processus épigénétiques que les réseaux neuronaux se configurent en fonction de l’expérience
individuelle et sociale de chaque individu pour donner enfin un cerveau unique
au monde (Clément, 1999). L’épigenèse dure jusqu’à l’âge de 15 ans (Fottorino,
1999) mais le cerveau reste plastique jusqu’à un âge avancé (Prochiantz, 1993).
L’épigenèse est une théorie qui a une limite tracée par l’enveloppe génétique,
caractéristique de l’espèce, on a beau mettre un singe dans un environnement
humain, il ne deviendra pas homme pour autant (Prochiantz, 1993).
Conclusion
L`épigenèse
nous met devant une sorte d`interaction hautement complexe entre l`inné et
l`acquis, une interaction qui nous rappelle ce qui se passe dans une réaction
(chimique) où les éléments perdent leurs propriétés chimiques et physiques
intrinsèques d`origine et se transforment en corps émergents dès qu`ils
interagissent avec d`autres éléments d`une nature différente.
Est-ce
que notre cerveau est capable de s`adapter aux situations émergentes de la
vie : est-ce que ses réseaux neuronaux sont capables de se reconfigurer
selon les expériences vécues ?
Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs
ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar,
2014, pp. 76-80 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie
électronique, il suffit d’envoyer son mail).
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