Les végétaux
n’ont ni système nerveux ni cerveau. La plupart des animaux que nous
connaissons ont un cerveau (concentration de groupes de neurones dans la partie
antérieure du corps, la tête), mais il y a des animaux qui ont un système
nerveux sans cerveau comme les coraux, les méduses et les anémones de mer,
d’autres n’ont ni système nerveux ni cerveau comme les éponges et les
unicellulaires.
Ce qui distingue le cerveau de l’homme
de ceux des animaux, c’est le grand développement des circonvolutions de la
région frontale siège des facultés cérébrales les plus élevées, jugement,
réflexion, abstraction, etc. (Broca).
Paléontologie du cerveau
Comme
toutes les parties molles des animaux, le cerveau n’est pratiquement jamais
fossilisé mais la cavité crânienne fossilisée reflète assez précisément
l’anatomie de la surface du cerveau. L’apparition d’un « cerveau » remonte à
près de 700 millions d’années.
Matérialisme contre spiritualisme et
modèles du cerveau
Spiritualisme, dualisme et modèle hydraulique
De
Platon à Descartes et même à nos jours, certains philosophes récusaient l’idée
selon laquelle il existerait un support biologique de l’âme.
Dans l’Antiquité, en Grèce comme en Egypte, on se posait la grande
question : « où siège l’âme, dans le cœur ou dans le cerveau ? ».
Thèse cardiocentrique
Malgré
leur papyrus, il semble que les anciens égyptiens comme les mésopotamiens ou
les hébreux et mêmes Homère (poète de l’Iliade) et Lucrèce croyaient que c’est
le cœur et non le cerveau qui est responsable de nos comportements.
Aristote
(3 siècles avant J.-C.) réactualise Homère en affirmant que le cœur est le
siège des sensations, des passions et de l’intelligence. Le cerveau pour lui «composé
d’eau et de terre» ne joue que le rôle de réfrigérateur de l’organisme car
il ignore l’existence des nerfs, mais a observé les vaisseaux sanguins ainsi
que leur convergence vers le cœur.
Thèse céphalocentrique
En 1930,
J. Breasted déchiffre un papyrus égyptien qui contient un traité de chirurgie
où, pour la première fois dans l’histoire, le cerveau apparaît sous un nom qui
lui est propre. Ce manuscrit, daté du XVIIème siècle avant J.-C., est
vraisemblablement une copie d’un texte antérieur rédigé vers les années 3000
avant notre ère. On y trouve une liste de 48 cas de blessures à la tête et au
cou […] Le cas 8 est capital : le scribe note qu’ «une blessure qui est dans
le crâne» s’accompagne d’une « déviation des globes oculaires » et
que le malade «marche en traînant le pied».
5
siècles avant J.-C., Démocrite qualifie le cerveau de « citadelle du corps »,
de « gardien de la pensée et de l’intelligence ».
Hippocrate,
le plus grand médecin de l’antiquité, précise que « si l’encéphale est
irrité, l’intelligence se dérange ». Lui et ses collègues consolident et
enrichissent la thèse de Démocrite par l’observation clinique : Croton et
Hippocrate indiquaient que le cerveau est l’organe de la « raison » ou
d’un « esprit dirigeant» et considéraient le cœur comme un organe des
sens.
3
siècles avant J.-C., Hérophile rectifia l’erreur d’Aristote en considérant le
cerveau comme le siège de la pensée.
2
siècles après. J.-C., Galien, médecin romain, (130-200), porte le coup fatal à
la thèse cardiocentrique en montrant par des expériences que le cerveau joue bien
le rôle central dans la commande du corps et de l’activité mentale. Mais
l’opinion erronée d’Aristote survivra jusqu’à nos jours : on la rencontre
chez nos élèves de 3ème à l’occasion de la leçon sur le cœur. Heureusement
qu’on peut la réfuter facilement aujourd’hui en invoquant un argument
scientifique solide : la transplantation cardiaque ne change pas le
comportement du patient. Selon
Galien, le « pneuma psychique » ou « organe de l’âme », que les
ventricules produisent et stockent, circule dans les nerfs et met ainsi en
relation cerveau, organes des sens et organes moteurs. Il subdivise l’âme en
trois fonctions : motrice, sensible et raisonnable puis poursuit la
décomposition de l’âme raisonnable en trois facultés qu’il nomme imagination,
raison et mémoire.
4
siècles après. J.-C., Les pères de l’église, Némesius et Saint-Augustin logent
les trois facultés de Galien dans trois ventricules cérébraux où s’écoulent les
esprits animaux (anima = âme).
15
siècles après. J.-C., avec la renaissance, les dissections des animaux et
surtout des cadavres reprennent, ce qui ouvre la voie à l’anatomie. Léonard de
Vinci donne un dessin précis des circonvolutions cérébrales. Les ventricules
sont remplacés par des parties solides de la substance même du cerveau mais il
conserva la notion de la localisation des facultés psychiques dans les trois
ventricules comme en témoigne un de ses dessins (cf. frontispice, p.5).
17
siècles après. J.-C., avec Descartes, philosophe français (1596-1650), le
pneuma de Galien deviendra « les esprits animaux » (anima = âme), qui
véhiculés dans les nerfs, gonflent les muscles. Il logeait l’âme dans la glande
pinéale (l’épiphyse) et croyait que cette glande fait l’union de l’âme et du
corps. Descartes, le physiologiste a chassé l’âme du corps pour pouvoir
l’analyser mais en tant que métaphysicien, il a sauvé l’âme du scalpel du
physiologiste en l’immatérialisant. Pour lui le corps est une machine mais il
continue de croire que l’âme est immortelle. Le « dualisme cartésien », ou
séparation entre l’âme immatérielle et le corps machine, ménage la chèvre et le
chou. Ce dualisme affiché pourrait ne pas être l’authentique pensée de l‘auteur
d’après J. P. Changeux car l’immatérialité de l’âme était la doctrine
officielle à son époque. Dans la civilisation arabo-musulmane au moyen âge, ce
dualisme est courant chez les savants qui hésitaient à s’opposer ouvertement à
la doctrine officielle par flagornerie ou par crainte du pouvoir établi.
Encore
17 siècles après. J.-C., Willis (1664) met un point final à la doctrine
ventriculaire et attribue avec raison, la primauté au cortex cérébral.
Toutefois comme Descartes, il accepte encore l’idée d’une âme immatérielle. La
recherche d’un support anatomique pour l’âme reste une préoccupation des
anatomistes, Willis la logeait dans le corps strié, Vieussens (1685) dans la
substance blanche des hémisphères, et Lancisi (1739) dans le corps calleux.
Les dualistes
contemporains tentent de perpétuer une certaine tradition cartésienne avec des
termes actualisés. Ce courant minoritaire a la chance de compter dans ses rangs
des noms aussi illustres que ceux du Karl Popper, Sir John Eccles
(neurobiologiste et prix Nobel de médecine 1963) et Roger Penrose
(mathématicien et physicien). Eccles, pour qui l’âme serait en fait réunie par
Dieu au fœtus trois semaines environ après la conception, a dit « (…) nous
devons reconnaître que nous sommes des êtres spirituels vivants dans un monde
spirituel, tout comme il existe des êtres matériels dotés d’un corps et d’un
cerveau évoluant dans un monde matériel ». Mais il se démarque de Descartes
en affirmant que sans le cerveau, il n’y a plus de conscience et que la
conscience émerge et acquiert une nature différente de la matière cérébrale.
Elle utilise le cerveau, plutôt que de se fondre avec lui. (Frei 1999). Penrose
pense que nous ne vivons pas dans un monde unifié mais qu’il existe un monde
mental distinct qui se « fonde » sur le monde physique. Selon lui, nous vivons
dans trois mondes distincts : un monde physique, un monde mental et un monde
d’objets abstraits comme les nombres et d’autres entités mathématiques.
(Searle, 1996).
Je
termine ce paragraphe par les propos très éloquents de D.C. Dennett dans une
interview (Dennet, 1999)
La Recherche (revue): Pendant des
siècles, les gens ont cru que leur esprit et leur corps étaient deux choses de
nature différente. Descartes lui-même, considérait cette distinction comme
évidente. Qu’en pensez-vous ?
Daniel Dennett : Ce « dualisme »,
cette croyance irréfléchie en la dualité du corps et de l’esprit, peut paraître
naturelle : elle n’en est pas moins radicalement fausse. Nous savons
aujourd’hui que chacune de nos idées, chacune de nos rêves, chacun de nos états
d’esprit n’est rien d’autre qu’un événement qui se produit dans notre cerveau.
Cette vue matérialiste est, désormais, communément acceptée. Si complexe et
intéressante soit-elle, la conscience n’est donc qu’un phénomène physique de
plus, au même titre que le magnétisme ou la photosynthèse.
NB : Cette synthèse ci-haut a été le
fruit de la lecture des 5 livres suivants : L’homme neuronal de J.-P. Changeux
(1983), Mille cerveaux mille mondes (1999), l’article de P. Clément
«Conceptions sur le cerveau santé et normalisation», Voyage au centre du
cerveau d’E. Fottorino (1998), La construction du cerveau d’A. Prochiantz (1989
révisé en 1993).
Broca a
distingué le cerveau de l’homme de ceux des animaux. Dans l`espèce humaine, y-a-il
une différence entre le cerveau de l`homme et celui de la femme ?
Source: Le système
éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que
leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 130-136
(Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il
suffit d’envoyer son mail).
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