vendredi 4 juin 2021

Le paradigme du « tout génétique », résiste-t-il contre le paradigme de l’«épigenèse» ? Citoyen du Monde

 

 

Le dominant et ancien  paradigme, le « tout génétique », résiste à céder de la place pour le compte du nouveau paradigme complémentaire, l’«épigenèse cérébrale ».        L’épigenèse et le « tout génétique » sont deux paradigmes qui se complètent. L’enjeu du concept de l’épigenèse est politique, cognitif et concerne les principes de l’auto-construction, de l’interaction, de la sélection et du  hasard : une politique qui serait tournée vers l’avenir tenant compte de l’environnement et des limitations du paradigme du tout génétique.

 

Critiques épistémologiques récentes du paradigme du « tout génétique »

Le paradigme de l’ADN-comme-programme  continue à être utilisé dans l’enseignement tunisien. On rencontre encore dans les manuels de biologie les concepts de « code génétique », « programme génétique », «un gène code pour un caractère », etc. (Abrougui, 1997).

 

Rumelhard (2005) écrit : « La question d’enseignement conduit à se demander s’il faut continuer à parler de programme génétique dans un premier temps, puis à remettre en cause ce concept, dans un deuxième temps. Autrement dit si l’essentiel de l’enseignement scientifique ne réside pas dans la rectification d’un concept et non pas dans son énonciation conforme à la vérité dernière (au sens de plus récente et non pas ultime) au niveau scientifique ».

 

Le « tout génétique » est un paradigme qui a régné pendant des dizaines d’années en biologie. C’est peut-être parce que l’on voyait le déterminisme comme une fatalité que l’on n’a guère remis en question le pouvoir des gènes.

Le concept ADN évolue dans l’histoire des sciences comme tout concept. Du paradigme du « tout génétique », on tend vers le paradigme de l’émergence et de la complexité. Le paradigme « ADN-comme-programme » est fort critiqué par une partie de la communauté scientifique, surtout des biologistes, des épistémologues et des didacticiens. Les paradigmes ne cèdent pas facilement. Les anciens paradigmes forment des obstacles aux apprentissages des nouveaux paradigmes.

 

Comment passer d’un paradigme à l’autre et construire une alternative concrète au paradigme déterministe ?

Avec l’épigenèse, il ne s’agit pas d’apporter de nouvelles certitudes, ni de réfuter tout ce qui a été dit jusque là, mais plutôt de préciser qu’un certain nombre de concepts ne sont pas réductibles au tout génétique : ADN, gène,  déterminisme, génotype / phénotype et éviter qu’ils  virent à l’idéologie (sexisme : voir un exemple sur la craniométrie, le dualisme, le chromosome Y surnuméraire, le gène de l’alcoolisme, le gène de la croyance). Le concept de l’épigenèse s’oppose à l’idéologie du « tout génétique » jusqu’alors dominante (Atlan, 1998). Il n’est pas question de réduire à néant tout le savoir scientifique accumulé que le séquençage du génome nous a donné, mais bien plutôt de compléter l’approche réductionniste analytique par une compréhension globale, synthétique, interactive, dynamique et évolutive. Le déterminisme génétique pouvait prétendre à un individu entièrement déterminé par ses gènes (car programmé par un créateur, « le Dieu ADN »), sur le modèle instructiviste d’Aristote et ses disciples contemporains, défenseurs du tout génétique. L’épigenèse devrait ainsi permettre de sortir de l’alternative entre l’inné et l’acquis vers l’aléatoire et la sélection. Le monde de l’épigenèse est la réfutation de toute puissance du « Dieu ADN », car c’est un monde traversé par l’improbable et le hasard des histoires individuelles. Le déterminisme biologique en général ne peut rendre compte de l’hypervariabilité des anticorps dans l`immunité, des synapses dans le cerveau et des différences entre individus (quand on sait qu’ils ont 99.99 % de gènes semblables).

Ce serait une grave erreur de croire que l’épigenèse devrait dès lors remplacer le déterminisme biologique et, sous prétexte qu’il y a une limite aux prédispositions génétiques, renoncer à explorer le génome humain. Pourtant ce serait une autre erreur de croire que cette épigenèse est purement subjective et pourrait être dépassée par une plus profonde connaissance du déterminisme génétique. La part d’imprévisible dans l’épigenèse nous oblige à passer d’une logique de programmation dirigiste et fataliste à une logique d’interaction avec l’environnement, une logique qui donne place au hasard et à l’auto-organisation.

 

Est-ce que le « tout génétique » détermine tout seul notre identité biologique ?

 

Source: Le système éducatif au banc des accusés ! « Les professeurs ne comprennent pas que leurs élèves ne comprennent pas », Mohamed Kochkar, 2014, pp. 85-89 (Pour ceux ou celles qui souhaitent bénéficier d’une copie électronique, il suffit d’envoyer son mail).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire