vendredi 18 août 2017

Conférence de Jacqueline Chabbi intitulée « Coran Anthropologie Historique », ajoutée sur YouTube le 20 juin 2016. Française, historienne, anthropologue, agrégée d`arabe, docteur spécialiste dans l`histoire du soufisme et du monde islamique médiéval. Morceaux choisis au hasard, transcrits et recousus par Citoyen du Monde (sans commentaires)

Le sunnisme est l`islam des boutiquiers de la société urbaine des villes iraquiennes et perses de l`époque abbasside (Il est inventé au IXe siècle ap. J. C.).
Mohamed a « coranisé » la Bible et trois siècles après les nouveaux convertis de l`époque abbasside, devenus majoritaires, ont « biblisé » le Coran, car changer de religion ne veut pas dire changer d`identité. Des convertis de haute volée (des intellectuels théologiens rationalistes comme les mutazilites qui ont duré  environ un siècle) ou des artisans (L`islam du Souk ou du Bazard), restent sociologiquement et intellectuellement ce qu`ils sont. On est dans une époque où le terrain, la société et la sociologie ont changé : De l`Arabie occidentale (La Mecque et Médine éloignées de 450 Km), on a passé à l`Empire Abbasside (Irak-Iran), d`une population arabe homogène à une population hétérogène multiethnique, multiculturelle et interculturelle (arabe, perse, afghane, kurde, byzantine, chrétienne, juive, païenne, grecque, etc.)
La lecture directe du Coran (ou dite littérale) est une lecture dangereuse ou tout le monde trouve son compte en faisant référence à des morceaux du Livre  (versets ou sourates) : le belliqueux, le pacifique, l`antisémite, le mystique et autres y trouvent des arguments soutenant leurs thèses ou opinions antérieures. Le Coran est un tout indivisible même si son texte est un puzzle, donc pour le lire il faut s`armer d`une grille de lecture. Par rapport au Coran, on a des strates de lecture et à chaque strate ça évolue. Et c`est cette stratification de l`islam, qui s`est faite pendant 1400 ans, qu`il faut déconstruire pour la comprendre. Pour le faire, il faut appliquer le paradigme anthropologique. C`est le lecteur du Coran qui projette son enjeu et son contexte sur le texte sacré. Ce texte n`est plus en prise directe avec le milieu d`aujourd`hui comme il l`a été à l`époque de la révélation. Et c`est ça qu`on n`a pas l`air de comprendre aujourd`hui, ni dans les milieux de recherche occidentaux, encore moins chez les musulmans ou trop peu.
Les premières conquêtes de l`islam sont des razzias tribales et non des conquêtes islamiques.
À l`aube de l`islam, Mohamed n`a pas créé un Etat musulman, il a créé une confédération de tribus musulmanes alliées entre-elles et alliées à Allah. Un siècle écoulé et le système tribal se casse la figure à la chute des omeyades.
On a mal traduit (مؤمن) par croyant. Le (مؤمن) est le rallié, c. à. d. celui qui adhère parce qu`il pense que son adhésion est utile, celui qui fait confiance à son nouveau allié et c`est celui qui s`engage à faire une action. Le (مسلم) n`est pas nécessairement (مؤمن) car le (مسلم) est libre de s`engager dans le combat contre l`ennemi ou ne pas s`engager comme bon lui semble. Le (مسلم), c`est celui est sain et sauf, celui qui se met sous la sauvegarde, surtout il faut éviter de le traduire par « soumis », car les bédouins arabes de l`époque étaient des hommes libres, des hommes qui ne reconnaissaient pas une autorité hiérarchique, même pas en la personne de Mohamed qui se définit d`ailleurs dans le Coran comme un avertisseur (منذر) et non comme un souverain dominant autoritaire (مسيطر). On ne peut pas contraindre un homme libre de tribu à se soumettre aux ordres d`une alliance de tribus (لا إكراهَ في الدين). Locution qu`on a souvent mal traduit par « pas de contrainte en religion ».
On a aussi mal traduit (رب البيت - الكعبة) par Dieu du temple. Le (رب البيت - الكعبة) est le Dieu de la demeure.
Le corpus coranique (petit volume) n`a rien à voir avec le corpus du Hadith (grand grand volume) construit de toutes pièces a posteriori à des fins politiques, trois siècles après et dans lequel on peut trouver de la vraisemblance historique qu`il faut d`ailleurs historiciser.

Ma signature
Pour le critique, « il ne s’agit pas de convaincre par des arguments ou des faits, mais, plus modestement, d’inviter à essayer autre chose », Michel Fabre & Christian Orange, 1997
« À un mauvais discours, on répond par un bon discours et non par la violence », Le Monde diplomatique


Date de la première publication sur mon compte FB: Hammam-Chatt, vendredi 18 août 2017.

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