mercredi 25 février 2015

L’erreur de l’élève pourrait être utile pour l’enseignant et l’apprenant. Citoyen du monde Dr Mohamed Kochkar Coordinateur Pédagogique Général de l’Ecole Montessori Internationale Tunisie - H-Lif.

L’erreur de l’élève pourrait être utile pour l’enseignant et l’apprenant. Citoyen du monde Dr Mohamed Kochkar Coordinateur Pédagogique Général de l’Ecole Montessori Internationale Tunisie - H-Lif.

Aujourd`hui, je pars d’une enquête (DEA didactique de la biologie) que j’ai effectuée en l`an 2000 sur un échantillon tunisien composé de 74 enseignants de biologie.
La question posée dans le questionnaire: donnez une définition du neurone ?

Résultats de l’enquête :
6  personnes interrogées ont donné une définition correcte et complète.
59 personnes interrogées ont donné une définition correcte mais incomplète.
1  personne interrogée a donné une définition fausse.
8  personnes interrogées n’ont pas répondu à la question.
Je conclus de cette enquête, simple et limitée dans le temps le lieu et le nombre, que les diplômés du supérieur PEUVENT se tromper. Que disions-nous de l’élève ?

-         Premièrement,  en lisant Michel Saroul (1990), chercheur français, dans son livre « l’évaluation en questions » page 110, j’ai retenu trois points de vue différents sur le statut de l’erreur dans le système éducatif en général et son rôle dans l’enseignement :
« Pour Skinner, le savant américain béhavioriste, l’erreur est considérée comme pédagogiquement nocive [...] Crowder, quant à lui, rend non seulement l’erreur possible, mais la prévoit dans le cheminement de l’élève [...] L’environnement LOGO  qui désigne ici à la fois une conception pédagogique et une famille de langages, rend l’apprenant maître de la machine : il la programme [...] dans le système LOGO, l’erreur est considérée non seulement comme possible ou souhaitable mais comme nécessaire à la découverte heuristique par l’élève ».

C’est le statut donné à l’erreur en classe qui différencie l’enseignement linéaire et magistral (du professeur à l’élève) de l’enseignement interactif (du professeur à l’élève, de l’élève au professeur et des élèves entre eux). Dans l’enseignement interactif, le professeur prend en considération les conceptions des élèves sur le sujet traité et leur permet de construire leur savoir en interaction avec leurs erreurs comme le dit Saroul : « l’erreur  va activer l’attention de l’élève et va l’amener à réfléchir en vue d’en rechercher les causes et de la corriger».

- Deuxièmement, en m’inspirant des professeurs Bernard Grange et Marie-Madelaine Raffin qui ont écrit dans le livre cité plus haut, page 123, je propose les méthodes suivantes  afin d’essayer remédier à l’erreur :
- « l’élève, seul ou avec son camarade, prend en charge la correction du travail ».
- « si l’auto-correction est juste, le travail du professeur s’arrête là, car l’élève n’a pas eu besoin de l’aide de l’adulte. Il a fait preuve d’une certaine autonomie ». L’école constructiviste de Montessori, Piaget et Vygotsky préfère cette démarche qui libère l’élève du tutorat du professeur.
- « si l’erreur subsiste, le professeur peut intervenir de plusieurs façons : en le (l`élève) renvoyant à l’expérience ou au cours ou en lui donnant une information supplémentaire et en le laissant à nouveau chercher une bonne réponse ou en le questionnant (oralement ou par écrit) afin de le mettre sur la ‘’voie’’ de la bonne réponse ».

- Troisièmement : si l’on sait que les sciences expérimentales ont progressé après une longue série d’erreurs, on ne doit pas s’étonner devant une erreur commise par l’élève en classe et surtout on ne doit ni le lui reprocher cet acte ni le gronder. L’erreur de l’élève en classe est bénéfique, en premier lieu pour l’élève et pour ses pairs qui vont découvrir la bonne réponse et en deuxième lieu pour le professeur qui va connaître le niveau de ses élèves, ce qui l’oblige à répéter ou modifier ou même décaler sa leçon dans certains cas.

Retournons maintenant à la réalité tunisienne après la présentation des théories (une bonne pratique se base toujours sur une bonne théorie). Certains professeurs accaparent la parole et jonglent intellectuellement en classe et ne laissent pas de chance au bon élève pour qu’il essaye l’expérience et l’erreur. Ils excluent le faible élève de la discussion, non pas intentionnellement  mais par ignorance de l’épistémologie, de l’histoire des sciences et de la didactique. Ces professeurs pourraient rendre l’élève complexé ou retiré ou même le pousser à détester complètement la discipline. Les exemples suivants illustrent ce que je viens d’avancer :
-         1er exemple : dans une séance d’anglais, le professeur parle beaucoup plus que l’élève surtout dans une salle non équipée de nouvelles technologies. Suite à ce qui précède, je pose une question : si nous ne donnons pas à l’élève l’occasion d’apprendre, au lycée, la prononciation correcte et l’emploi de la grammaire anglaise, où va-t-il les apprendre alors ?

-         2ème exemple : dans une séance de sciences de la vie et de la terre, le professeur prépare les cellules entre lame et lamelle, les met sous le microscope, met au point l’observation puis enfin invite les élèves à observer. Qui dit que l’élève a observé les cellules et non des bulles d’air ? Est-ce que l’élève apprend seulement par imitation ? Pourquoi l’élève ne fait-t-il pas l’expérience du début jusqu’à la fin ? Où est le mal si un élève casse un matériel par inattention quel que soit son prix ?

Mes collègues justifient leurs comportements par le manque de temps ou la protection du matériel ou l’indiscipline  des élèves ou l’encombrement des classes. Je les prie de laisser l’élève essayer et se tromper. Je vais d’ailleurs répondre gentiment et objectivement à leurs arguments, l’un après l’autre :
- Supposons que le programme soit long et que les enseignants aient réussi à l’achever dans  les délais préalablement déterminés. Ils l’ont achevé au profit de qui ? Au profit de l’inspecteur ? Est-ce que les élèves ont compris la moitié de ce programme ?  Quel est l’intérêt de bourrer le crâne des élèves ?
- Le matériel est fait pour être utilisé et on prévoit un budget de compensation chaque année. Est-ce que la protection du matériel est une raison suffisante pour empêcher nos enfants d’apprendre par essai et erreur ? Est-ce que le matériel de laboratoire est plus cher qu’un cerveau formé ? Je suppose que le matériel de laboratoire pourrait être remplacé par contre l’élève en difficulté pourrait coûter aux contribuables mille ordinateurs et mille microscopes.

En conclusion, « l’erreur est le moteur de la classe ». Elle active la conversation. La séance qui se déroule sans erreurs est une séance morte car les élèves n’y ont pas  participé et n’ont pas donné leurs points de vue. Ils ne peuvent donc pas apprendre, ni sciences, ni liberté, ni démocratie, ni civisme mais ils s’habituent à la résignation et à la soumission à l’autre.
Il ne faut pas oublier que la classe est le seul endroit où on félicite les fautifs par contre dans la vie active la faute d’un  médecin ou d’un ingénieur ou autre pourrait être sanctionnée par un licenciement. Dans les concours de recrutement aussi, on n’a pas le droit de faire des erreurs vu le surnombre de demandeurs d’emploi, 100 mille demandes pour 1500 postes de professeurs.
   Je termine toujours mes articles par poser une problématique : Comment peut-on changer le statut négatif de l’erreur?

Ma signature  
« Pour l`auteur, il ne s’agit pas de convaincre par des arguments ou des faits, mais, plus modestement, d’inviter à essayer autre chose » (Michel Fabre & Christian Orange, 1997).
« À un mauvais discours, on répond par un bon discours et non par la violence » (Le Monde Diplomatique).

Date de la première publication on line : Hammam-Chatt, jeudi 26 février 2015.




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