La fraude dans les
examens scolaires aux écoles publiques: Il me parait que l’élève n’est pas
le premier et le seul responsable. Citoyen du Monde
Dr Mohamed Kochkar, Coordinateur Général
Pédagogique de l’Ecole Montessori Internationale Tunisie - H-Lif
Premièrement,
faisons un bref rappel des mesures disciplinaires répressives appliquées
actuellement en Tunisie : l’élève soupçonné de fraude est conduit devant
le conseil de discipline du lycée, s’il est coupable, il est renvoyé du lycée de
4 à 15 jours et en cas de récidive, la punition
sera plus lourde : le renvoi
définitif du lycée. L’élève a le droit de se défendre mais sans avoir recours à
un avocat malgré le sévère jugement qu’il pourrait encourir.
Deuxièmement,
essayons de donner à la fois un aperçu sur les causes objectives de la fraude
et sur les alternatives scientifiques proposées :
1.
Les classes nombreuses : est-ce que
c’est logique de mettre 40 élèves dans une salle conçue pour 20 et interdire à
chacun de regarder la feuille de son compagnon de table ? Est-ce que à l’élève
qu’incombe la responsabilité des classes nombreuses ?
2.
La façon de poser les questions : où est
le mal si un élève prépare au préalable une vraie « fausse
copie » remplie de citations dans un examen de rédaction arabe ou remplie
de formules dans un examen de mathématiques ou physique? Il vaut mieux
évaluer l’élève sur la mobilisation de connaissances et non seulement sur leur
mémorisation. La mémorisation est réhabilitée dans l’enseignement moderne mais
elle ne doit pas accaparer tout l’apprentissage.
3.
Le contenu anachronique des
programmes : pourquoi impose-t-on à l’élève des programmes qui ne prennent
pas en compte ses préoccupations ? Il serait plus correct pédagogiquement
de demander l’avis des élèves avant de concevoir les programmes officiels.
4. Le béhaviorisme de Watson
et Skinner : durant tout le cursus scolaire, l’élève apprend par
stimulus et réponse et par sanction et récompense. On détermine son avenir à sa
place et on le traite comme un rat dans un labyrinthe dont nous, seuls, connaissons les issues. Notre élève ne cesse de crier fort un slogan
célèbre « votre marchandise vous est rendue ». Cette école
béhavioriste a réussi à former des générations qui ne savent pas prendre
d’initiatives.
Il serait préférable
d’opter pour le socioconstructivisme de Montessori (« aidez moi à faire
seul »), Piaget et Vygotsky qui aide à l’élève à apprendre tout seul
surtout dans le monde de l’informatique où l’élève pourrait bien dépasser son
professeur en connaissances dans certains domaines comme l’informatique.
L’école socioconstructiviste formerait un apprenant capable de construire son
savoir avec l’aide de ses pairs et l’accompagnement de son éducateur. Le socioconstructivisme pourrait
provoquer un changement conceptuel chez les éducateurs à propos de leur
relation avec les élèves. L’élève n’est pas un vase vide qu’il suffit de
remplir mais un individu qui réfléchit et peut avoir un point de vue indépendant et différent de son maître.
5. La pédagogie par objectif :
les concepteurs des programmes décident, les professeurs exécutent sans prendre
en considération les conceptions des élèves sur un concept enseigné. Nous
nous interrogeons ici : Est-ce que
c’est la leçon du concepteur du programme ou celle du professeur ou celle de
l’élève ?
Il serait souhaitable d’appliquer
la pédagogie du projet, le projet scientifique interdisciplinaire, choisi et
exécuté par l’élève au sein d’une équipe. Cette équipe d’élèves soutiendra à la fin de l’année son projet
devant un jury et un public scolaire. De cette façon nous n’aurons plus besoin
de surveiller l’élève, nous éradiquons la fraude à la racine et nous formerons un citoyen sûr de
lui-même et de ses coéquipiers.
Permettez-moi de vous décrire la
scène que j’ai vécue dans un lycée à Nancy en France: J’ai assisté à une soutenance
des élèves de 3ème science (un an avant le bac) : les élèves, sur la scène,
défendent leur projet devant un jury en utilisant les nouvelles technologies. Croyez-moi,
on dirait des doctorants qui soutiennent leur thèse. Ils ont travaillé pendant
un an, en équipe, au laboratoire du lycée et chez eux. Ils ont cherché les
connaissances dans les livres, les encyclopédies et Internet. Ensuite, ils ont
mobilisé leurs connaissances pour essayer de trouver des solutions pertinentes
à un problème actuel comme par exemple « l’effet des pluies acides
sur les plantes ». Ils ont appris les abc de la recherche scientifique et
le travail avec les autres.
En conclusion, les moyens
scientifiques pour lutter contre la fraude existent mais les responsables et
les enseignants ne voient que la punition qu’ils font subir à l`élève, le maillon le
plus faible d’une chaîne de coupables.
Ma
signature
« Pour
l`auteur, il ne s’agit pas de convaincre par des arguments ou des faits, mais,
plus modestement, d’inviter à essayer autre chose » (Michel Fabre &
Christian Orange, 1997).
« À
un mauvais discours, on répond par un bon discours et non par la
violence » (Le Monde Diplomatique).
Date
de la première publication on line : Hammam-Chatt, mercredi 25 février
2015.
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