L`enfant méprise tout
ce qui est atteint et aime tout ce qui est à atteindre. Maria Montessori
Bibliographie :
Maria Montessori, Pédagogie scientifique, tome 1 : La maison des enfants,
éditions Desclée de Brouwer, 1958, Paris 2010 pour la présente édition, 261
pages (premier ouvrage de la Doctoresse paru en France en 1926).
Biographie : Maria
Montessori née en Italie en 1870, décédée en 1952, 1ère femme italienne diplômé
docteur en médecine. Elle était également licenciée en biologie et en
philosophie. Elle fit des études de psychologie. En 1904, on lui confia une
chaire d`anthropologie à l`Université de Rome après la publication de son
premier livre L’Anthropologie pédagogique.
Page 241 :
« j`observai un jour, dans notre jardin de Pincio, à Rome, un enfant
d`environ un an et demi, qui s`amusait à remplir un petit seau avec des
cailloux. A côté de lui, une nurse très distinguée, évidemment pleine de bonne volonté,
avait pour lui les soins les plus affectueux. C`était l`heure de s`en aller, et
elle l`exhortait patiemment à abandonner son travail et remonter dans sa petite
voiture. Comme ses exhortations échouaient devant la volonté de l`enfant, la
nurse emplit elle-même le seau de cailloux, puis le déposa avec l`enfant dans
la petite voiture, convaincue qu`elle l`avait ainsi satisfait. Les hurlements,
l`expression de protestation contre la violence et l`injustice que reflétait le
petit visage me frappèrent. Quelle accumulation d`offenses emplissait ce
cœur ! Le petit ne voulait pas que le seau fût plein de cailloux : il
voulait faire l`exercice nécessaire à le remplir ; c`est cela qui répondait
à la nécessite de son organisme orgueilleux. C`était sa formation intérieure,
qui était son but, et non le fait extérieur d`avoir un seau rempli de
cailloux ! L`attachement si vif au monde extérieur était une
apparence : le besoin vital, une réalité. En effet, s`il avait rempli le
seau, il l`aurait sans doute vidé encore pour le remplir à nouveau jusqu`à
satisfaction complète. C`était bien pour cela que je l`avais vu, peu de temps
avant, le visage rose, tout souriant : la joie intérieure, l`exercice et
le soleil collaboraient tous trois à cette splendide vitalité.
Cet
épisode tout simple est un exemple de ce qui arrive à tous les enfants du
monde, les mieux aimés. Ils ne sont pas compris parce que l’adulte les juge à
sa propre échelle : nous pensons que l’enfant est préoccupé de buts
extérieurs, et nous l’aidons amoureusement à les atteindre, alors que son but
inconscient et de se développer lui-même. C’est pour cela qu’il méprise tout ce
qui est atteint, et qu’il aime tout ce qui à atteindre. Ainsi, il préfère
l’action de se voir habiller, fût-ce magnifiquement ; il aime l’action de
se laver plus que le bien être de se sentir propre ; il aime se bâtir une
maison, plus que de la posséder. Il ne doit pas jouir de la vie, mais se la
construire.
Le
petit enfant de Pincio en est un symbole : il voulait coordonner ses
mouvements ; exercer ses forces musculaires en soulevant des objets ;
exercer son œil à l’évaluation des distances ; exercer son intelligence
dans le raisonnement relatif à l’action de remplir son seau ; et voilà que
celle qui l’aimait, croyant que son but était de posséder des cailloux, le
rendait malheureux ! »
Page 243 :
« Toujours imbus de ce préjugé que le but à atteindre est extérieur, nous
habillons et nous lavons l’enfant, nous lui arrachons des mains les objets
qu’il aime tant manier ; nous lui donnons à manger. Et après cela, nous le
jugeons incapable. Nous le trouvons en outre impatient, quand c’est nous qui
n’avons pas la patience d’attendre que ses gestes obéissent aux lois du temps,
différentes des nôtres ; et tyrannique précisément parce que nous
employons la tyrannie.
(…)
Qu’adviendrait-il de nous, si nous tombions au milieu d’une population de gens
très rapides dans leurs mouvements, dans le genre de ceux qui étonnent et font
rire, au théâtre, par leurs transformations immédiates ? Continuant à nous
mouvoir selon nos habitudes, nous nous verrions assaillis par ces gens qui se
mettraient à nous habiller, en nous ballottant, à nous nourrir sans nous donner
le temps d’avaler, à nous arracher des mains le travail pour l’accomplir plus
vite eux-mêmes, à nous réduire à une inertie indiciblement humiliante. Ne
sachant pas nous exprimer, nous nous défendrions à coups de poing et avec de
grands cris contre ces forcenés ; eux pleins de volonté, dépités, nous
traiteraient de méchants, de rebelles, de bons à rien !
Nous aurions beau dire
à ces gens : « Venez dans notre pays ; et voyez une splendide
civilisation faite par nous ; voyez nos œuvres » ; ils n’en
croiraient pas leurs yeux.
C’est un peu ce qui se
passe entre les enfants et nous !
Signature du Citoyen du Monde Dr Mohamed Kochkar, Coordinateur
Pédagogique Général de l’École Montessori Internationale Tunisie - H-Lif
« Pour l’auteur, il ne s’agit pas de
convaincre par des arguments ou des faits, mais, plus modestement, d’inviter à
essayer autre chose » Michel Fabre & Christian Orange, 1997
« À un mauvais discours, on
répond par un bon discours et non par la violence » Le Monde Diplomatique
Date de la première
publication on line : Hammam-Chatt, vendredi
27 mars 2015.
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