Critiquer, c`est dire
non à la confusion et
c’est justement ce que fait dans ce livre notre ami Mohamed Kochkar
C`est
la confusion qui explique en dernière analyse le désespoir de nos
intellectuels. Car la confusion est la vraie source de désordre, de l`anarchie
et du chaos ; elle est guidée par un désir de régression, un désir
pathétique destructeur qui exprime une attitude rétrograde de celui qui veut
quitter l`univers humanisé ; celui qui, par son égoïsme bestial menace de
faire table rase de tous les impératifs catégoriques, de tous les principes
inviolables et de tous les acquis irréversibles de notre humanité.
On
ne peut pas confondre, à proprement parler, le juste et l`injuste, le mérite et
le démérite, la bonne et la mauvaise volonté, la vertu et le vice, le simple et
le complexe, bref le bien et le mal, le vrai et le faux…
Quand
toutes les valeurs sont sur le point de sombrer, et que les opinions éclatent
dans toutes les directions, qui arrêtera notre chute dans l`abime du
désespoir ?
Et
c`est dans ce sens que la critique, en tant qu`effort de distinction, de
clarification, de mesure, d`analyse et en tant que principe d`ordre, devient la
voie royale qui nous rattache encore à la raison créatrice et à la renaissance
vitale. La critique, en effet, ne nous précipite pas dans le délire et la
folie ; car elle n`ajoute pas de surcharges arbitraires et gratuits, elle
accouche, au contraire, selon l`ordre rationnel, d`un univers libéré de la
nébuleuse des opinions et du nihilisme radical ; la critique annonce tout
haut notre colère, notre révolte et notre indignation devant ce spectacle de
désolation ; car l`intellectuel authentique, à l`image de Kochkar, refuse
de s`embourber dans l`ivresse de la confusion et les ténèbres de l`inconscience.
Dire non, c`est affirmer la possibilité de la critique et l`efficacité du logos
en lutte contre toutes les confusions.
Phobie de la critique
et critique de la phobie
La
tyrannie commence par l`interdiction de la pensée critique. La phobie de la
critique est une véritable perversion de l`esprit, car seule l`innocence de la
parole libérée de tous les interdits, à travers le dialogue, la discussion, le
débat, restitue à l`homme sa vraie vocation d`être un « un roseau
pensant ».
Celui
qui refuse la critique a une peur instinctive ; il est entravé par la
panique à fuir en arrière loin du danger et de l`aventure. C`est un être affolé
qui fait demi-tour, tourne le dos au devenir ; il est en proie à la
débandade et à la confusion, il se replie sur soi, c`est-à-dire se réfugie dans
la nuit de sa primitivité et rétrograde ainsi vers les profondeurs de son passé
biologique.
La
phobie est donc une capitulation, un aveu d`impuissance et une rupture de notre
rapport au monde ; elle est le propre d`un être frileux et lâche.
Par
contre l`être courageux refuse d`être neutralisé par la pensée de la
fuite ; il accepte le débat, l`ouverture sur l`altérité ; il
communique dans l`égalité et la réciprocité.
C`est
la raison pour laquelle la critique est un acte d`indépendance par lequel on
retrouve la spontanéité et la liberté de parler à partir d`une conscience bien
intentionnée d`aller en avant vers son prochain. La critique brise ainsi notre
solitude et rétablit directement le contact avec autrui. Enfin la critique,
tout en nous libérant, de notre égoïsme et de nos instincts rétrogrades,
inaugure une nouvelle ère de recherche pour un esprit dont le signe est de
créer, de construire et d`enfanter dans la joie.
Socrate,
le prédateur de la philosophie n`a-t-il pas prouvé par son courage que le
postulat de la recherche de la vérité, c`est la critique.
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